J'ai remarqué que les scènes
de comédie sont souvent celles qui trinquent le plus
dans mes films. Le rire très peur. C'est pour cela
que, d'une certaine manière, j'ai très envie
de faire une comédie par ce que c'est une forme de
libération. Vous passez alors délibérément
dans le camp des cancres. Les gens qui font de la comédie
sont définitivement perdus pour la société,
ce sont des amuseurs. Nos critiques n'aiment que le sérieux
et le compassé. Ces deux scènes que je viens
de décrire me font penser à la scène
du flic chantant dans "37°2". Cette séquence
a survécu aux volontés castratrices de toute
une équipe de montage ! Cela arrive tout le temps
dans mes films. Mais je suis le seul responsable. Ces coupes
sont des monuments érigés à mes angoisses.
Objectif Cinéma :
Est-ce qu'il y a des films asiatiques
qui vous ont marqué ?
Jean-Jacques Beineix : Plein,
plein. Beaucoup de films japonais dans le passé.
Récemment, comme tout le monde, j'ai découvert
le cinéma d'Hong Kong et de Taiwan.
Objectif Cinéma : Wong
Kar-Wai ??
Jean-Jacques Beineix : Oui.
J'aime beaucoup "In The mood for Love", c'est
un très beau film. Mais lui a le droit à cette
beauté formelle ! Ça m'agace ! C'est incontestable
qu'il y a quelque chose de chorégraphique dans ce
film, une harmonie, une grande sensualité, le temps
qui passe, c'est un film rare. Il y a une filiation évidente,
on est dans une voie commune... Sinon, l'un des chefs d'uvre
des chefs d'uvre du cinéma, c'est "Mon
Oncle" de Jacques Tati : de la poésie pure !!
C'est admirable ! Mais ce n'est sans doute pas très
asiatique. Ça m'est venu comme ça.
Objectif Cinéma :
"Dans la ville blanche"
aussi !!
Jean-Jacques Beineix : Ah,
çà, celui-là je ne peux pas le nier,
il est là (il se retourne vers l'affiche du film
qui est derrière son bureau) et je l'ai souvent dit,
je le dis pratiquement à chaque interview. C'est
un film fondateur pour moi. Sans doute une relation ambiguë
avec la mer. J'ai fait part à Tanner de mon goût
immodéré pour son film.
J'ai vu aussi récemment "Das Boot" dans
sa version intégrale, c'est un film extraordinaire
! Je peux dire pourquoi je n'aime pas le cinéma hollywoodien
d'aujourd'hui ou du moins ce qu'il devient chaque jour un
peu plus. En regardant "Das Boot". Je vois un
cinéma parfait, un cinéma d'acteurs, un cinéma
de tension, un cinéma qui dit quelque chose de profondément
humain, de dur, qui me révèle un extraordinaire
suspens avec une grande économie de moyens, presque
sans effets. C'est un chef d'uvre !!