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  Les Savates du bon Dieu (c) D.R.
Objectif Cinéma : En voyant vos films avec mon collègue Jean-Sébastien Chauvin, nous pensions à Jacques Tourneur et notamment Vaudoux (I Walk With a Zombie 1943) qui joue sur une économie de moyens et une latence de l'indicible, en état d'alerte.

Jean-Claude Brisseau : C'est vrai que j'utilise ce même genre de technique pour donner une impression quasiment invisible avec rien. J'ai cumulé, Mademoiselle, dans ce "putain" de film (le cinéaste s'esclaffe de joie) tous les risques ! Je me rappelle un copain critique, qui avait jeté un œil sur le scénario, m'avoir dit "tu es complètement ravagé de te lancer dans un truc pareil où en vingt minutes tu vas te pomper quelqu'un qui sort de son corps, une guérison de malade, une guérison de paralytique, une lévitation. D'habitude, tu as ce genre de trucs, une fois dans un film d'une heure et demie et toi tu en mets cinq ou six en vingt minutes, tu ne t'en sortiras jamais !". C'est d'ailleurs pour cela que j'étais excité par le sujet. Lorsque j'étais au Festival de Berlin en 1989, les gens sortaient au bout de quelques minutes. Ils s'attendaient peut-être à voir sur grand écran Isabelle Pasco nue comme dans la revue Playboy qui lui consacrait quelques pages. Bon, il n'y a pas que cela, car les critiques du Festival m'ont assassiné ; ils se marraient, c'était des éclats de rire sans arrêt. Je me suis fais assassiner. Sauf un critique Suisse qui ne voyait pas pourquoi tout le monde riait, il était scandalisé, c'était bien le seul.

Objectif Cinéma : Il me semble que vous travaillez comme un cinéaste américain classique où vous mélanger les genres, dans la simplicité, sans faire appel ostensiblement au spectateur par des tics que l'on trouve abondamment dans le cinéma aujourd'hui.

Jean-Claude Brisseau : Le public français n'aime pas cela. Et n'a jamais aimé cela comme une bonne partie de la critique d'ailleurs. Ils préfèrent des trucs plus simples, enfin pas plus simples. Le paradoxe ; cela m'ennuie de parler ainsi de moi, est que je recherche la simplicité, sans que ce la se voit, que cela paraisse simple mais que la simplicité finale soit perçue comme le gros travail d'élaboration. En plus, je ne peux pas me gourer beaucoup pour une raison simple. Ce sont des films de petits budgets tournés à toute vitesse, enfin tout du moins relativement vite. Trente jours pour De Bruit et de Fureur, en six fois cinq jours et je tournais entre vingt et trente plans en huit heures de travail. J'ai toujours travaillé à ce rythme-là, compte tenu du budget. Cela a ralenti avec Céline.

Jean-Claude Brisseau (c) Stéphane Legrand

Objectif Cinéma : Combien aviez - vous de budget pour la production ?

Jean-Claude Brisseau : Il faudrait corriger les chiffres avec les années et vous constaterez une inflation avec les années. Le Jeu Brutal (1983) a coûté deux millions, De Bruit et de Fureur (1988) quatre millions, Noces Blanches (1989) sept millions, Céline (1992) neuf millions dont une toute une partie n'est pas sur l'écran, L'Ange Noir (1994) quinze millions, cela demandait beaucoup plus de travail à cause de la photographie, et pour le dernier la justice examine les comptes sur une imprécision de trois millions de différences entre vingt et dix-sept millions. Voilà. Il faut dire qu'il y a des éléments particulièrement spectaculaires, avec notamment le feu dans la cité du jeune Fred (Stanislas Merhar). Il a fallu une semaine complète de tournage pour une scène qui dure trois minutes à l'écran. En outre il y a des choses que je n'ai pas pu tourner pour ce film. Je dois avouer que c'est le tournage le plus difficile que j'ai fais dans ma vie. J'en garde un très mauvais souvenir.