Objectif Cinéma :
Malgré tes multiples collaborations
en tant que multi-instrumentiste, n'es tu pas en proie à
un certain épuisement?
Yann Tiersen : Un
peu pendant la période qui a suivi Le phare : j'avais
besoin d'engranger de la matière mais sinon, non.
Objectif Cinéma :
En dehors de Trois Huit et du Fabuleux
destin d'Amélie Poulain, tu n'as pas réellement
composé de bandes originales, pourquoi les réalisateurs
se contentent-ils d'aller piocher dans tes précédents
albums ?
Yann Tiersen : Je
ne suis pas en recherche de ce travail là. Je n'aime
pas qu'on fourre le nez dans ce que je fais. Or la musique
vient souvent en dernier lieu dans la production d'un film,
et en temps normal, les réalisateurs ont tendance
à fouiner un peu partout. Ils vont me bombarder d'informations
qui ne voudront rien dire, musicalement parlant. La musique
demeure une matière assez abstraite. On peut dire
d'une direction d'acteurs qu'elle est bonne, mais on ne
peut pas faire ressortir par la musique des métaphores
à n'en plus finir pour expliquer je ne sais quoi.
La musique et le cinéma, ce n'est pas la même
chose.
Objectif Cinéma :
Comment s'est passé la collaboration
avec Jean Pierre Jeunet ?
Yann Tiersen : On
ne s'est rien dit. On a senti des choses comme ça,
intuitivement. Je trouve ça génial. Il a découvert
mes albums par l'intermédiaire de son assistante.
Il m'a alors contacté, et m'a demandé de composer
la musique de son dernier film. J'étais très
content car j'aime beaucoup ce qu'il fait. Je n'avais pas
énormément le temps, et puis j'avais un peu
peur de ce travail. Il a utilisé des musiques qui
existaient déjà et je trouve que ça
tombait sous le sens. Je suis intervenu au montage. Cétait
l'idéal pour moi : j'avais une totale liberté.
Objectif Cinéma :
Tu n'avais pas envie de travailler
un peu plus en amont du film de Jean Pierre Jeunet ?
Yann Tiersen : Je
m'en fous un peu, car si on s'était rencontré
avant, avec Jean Pierre Jeunet, le travail aurait été
exactement le même. Ceci dit, j'aimerai vraiment faire
ça, avec lui par exemple. J'aime bien aussi ce que
fait Maurice Pialat, il ne fait pas une utilisation particulière
de la musique dans ces films, donc ce n'est pas forcément
compatible. Godard fait des choses superbes mais ce sont
toujours des utilisations. Je ne raisonne pas en ces termes.
J'aurai bien aimé travailler sur un film comme Scènes
de la vie conjugale de Bergman...