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Objectif Cinéma (c) D.R.

Quand j'étais étudiant en géographie, on nous apprenait à regarder (et à comprendre) une montagne, un paysage de campagne ou de ville, les roches, les espèces végétales, l'aspect des côtes, la forme des nuages… Il m'en est resté quelque chose. Ça m'a toujours fait penser à ce que disait Godard : qu'avant de filmer des êtres humains, il fallait savoir filmer une montagne. J'aime bien cette idée-là. C'est vrai qu'un paysage ne réagit pas comme un être humain mais de la même manière, il s'agit de savoir le regarder : comment l'appréhender et, pourquoi pas, comment le magnifier ? (À un certain moment, ça ne m'aurait pas déplu de sillonner à longueur de temps les routes de France pour en rapporter des photos de cartes postales !)… Cela tout en utilisant aussi ce qui pourrait être indésirable dans l'espace choisi… et les " verrues " ne manquent pas dans les paysages d'aujourd'hui ! On arrive parfois à contourner ce qui nuit à la beauté et à l'harmonie, mais dans d'autres cas on n'y peut rien changer et il se trouve qu'on est à un endroit précis, à un moment donné, il vaut mieux alors faire avec ce qui est, c'est-à-dire se servir de ce qui à priori pourrait gêner le regard… C'est presque une façon de détourner les choses, non ?


Objectif Cinéma : Sur un plateau de cinéma, il y a une tension autre, un travail d'équipe qui diffère de ces errances solitaires…

Jean-Claude Moireau : Mais c'est ce pourquoi je me sens si bien sur un plateau. C'est que je suis à la fois intégré à l'équipe de tournage (je dis bien une équipe, c'est-à-dire pas seulement les comédien(ne)s que je photographie en priorité, mais tous les gens qui me permettent de travailler : assistants, électriciens, machinistes…) et en même temps je garde une certaine distance, je fais dans la mesure du possible ma " petite cuisine ". J'aime cette place un peu particulière. Je m'efforce toujours d'être à la fois très présent et le plus discret possible, presque transparent… Par exemple, l'échange de paroles est essentiel mais il y a un temps pour tout et j'évite autant que possible le bavardage parce qu'il y a une réelle concentration et une tension qui signifient aussi attention. J'aime cette situation qui implique évidemment une grande patience, mais c'est personnel. Je connais des photographes qui m'ont dit ne pas être en mesure de supporter de telles attentes… En revanche, il y a également place pour la frustration parce que je travaille dans des limites que l'on m'octroie. Parfois je suis obligé de renoncer à telle ou telle photo parce qu'on n'a pas le temps, il y a des priorités, des lassitudes... Ce n'est pas trop grave si cela reste exceptionnel (après tout la frustration, à petites doses, peut faire partie du plaisir) mais au-delà d'un certain seuil c'est plus ennuyeux car photographier est aussi affaire de désir, un désir qu'il vaut mieux ne pas tuer ! Quand il y a des rapports tendus sur un plateau, j'essaie simplement de rester " zen "…