Objectif Cinéma : Adoptes-tu
une manière propre de travailler ? Profites-tu de
l'ambiance particulière inhérente aux tournages
?
Jean-Claude Moireau : Ce
que j'essaie d'abord de faire au mieux, c'est de rendre
compte de ce que sont les images du film, les plans choisis
par le ou la cinéaste, la lumière faite par
le chef opérateur, le jeu des comédiens. J'essaie
ensuite de photographier ce qui se passe au moment de la
mise en place d'un plan et des répétitions.
Mais lorsqu'on tourne en intérieur, en lumière
artificielle, c'est évidemment dans l'axe de la caméra
qu'on obtient les meilleurs résultats. Il y a des
tournages où pour certains plans il est tout à
fait possible de " shooter " pendant les répétitions,
mais à mon avis cela ne saurait suffire : la lumière
n'est pas toujours définitive, les raccords maquillage,
coiffures ou accessoires n'ont pas toujours été
faits
sans compter que je travaille en 24x36 alors
que de plus en plus de films sont tournés en format
1/66 et 1/85, donc je risque d'avoir dans mon cadre une
perche du son, un projecteur, un drapeau
Bien sûr,
je peux utiliser une focale plus longue mais je perds alors
des détails de l'arrière-plan
La plupart
du temps, je profite donc des répétitions
pour faire des photos d'ambiances de travail et je suis
attentivement la préparation ce qui me permet d'anticiper
sur mon cadre (choix de l'objectif) et sur l'ouverture.
Il arrive que j'aie tout préparé et que je
ne fasse pas la photo en question. Je ne vais pas me battre
pour illustrer systématiquement chaque plan mais
en général, après la dernière
prise d'un plan, lorsque je demande un petit instant pour
les photos (encore s'agit-il d'être rapide !), on
ne me le refuse pas. Je suppose que si ma présence
était trop envahissante, si je gênais les techniciens
dans leurs manuvres, si je mitraillais sans cesse
les comédiens, j'obtiendrais peut-être moins
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Sur certains plateaux de cinéma,
j'ai parfois l'impression de faire du slalom, je passe par
des petites portes qui sont ouvertes à un moment
donné et se referment l'instant d'après. Il
m'arrive de renoncer à des photos auxquelles je tenais
mais je crois qu'il ne faut pas vouloir " tout avoir
". Après tout, ce n'est pas si grave car je
le constate souvent, de la même manière que
" le mieux est l'ennemi du bien ", le trop ne
vaut pas la juste mesure. Je m'efforce d'être au service
du film qui se fait. L'humilité, c'est important.
A la fin d'un tournage, j'essaie de remercier toute l'équipe.
Car on ne fait rien tout seul, à plus forte raison
sur un film, c'est vraiment une synergie. C'est pour ça
que c'est si important d'être bien avec les gens,
des gens qu'on aime. Et c'est vers ça que je vais
aller de plus en plus, je crois. Un cinéaste doit
s'entourer de personnes avec lesquelles ça se passe
bien. Il vaut mieux éviter l'hystérie, qui
se communique facilement. Le cinéma, c'est formidable
mais ça ne doit pas être plus important que
la vie, et la vie c'est la relation.
Quand je marche dans Cologne, Liverpool, Madrid ou Turin,
ce sont des déambulations, presque des errances,
ça ressemble un peu à un jeu de pistes. Sur
un plateau, c'est différent parce qu'il y a constamment
la relation humaine. Et je me dis qu'une part essentielle
de mon travail se situe au niveau de la relation humaine,
de sa qualité : être discret, faire confiance,
dégager des ondes positives