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Objectif Cinéma : Te sens-tu différent des autres techniciens en raison de cette place isolée que tu occupes et d'un travail plus individuel ?

Jean-Claude Moireau : Oui mais je me rends compte que je ne suis pas là par hasard. J'ai acquis les techniques de base assez tôt, mais comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas arrivé là par le biais de la photo mais vraiment par mon rapport au cinéma. Quand j'étais étudiant, j'étais très cinéphile, je fréquentais les festivals de France et de Navarre à longueur d'année, je lisais la presse spécialisée et j'ai vu quantité de films au cours des années 70 et 80 (un peu moins par la suite surtout en ce qui concerne le cinéma américain qui ne m'intéresse plus beaucoup tel qu'il est dans sa majorité). Je n'aime pas trop dire ça parce que ça fait un peu prétentieux, mais j'ai une culture cinématographique et certaines " références ". Je peux en parler, témoigner, il y a un échange possible avec les personnalités qu'on rencontre forcément sur un tournage. Être parachuté sur un plateau de cinéma en tant que photographe sans avoir aucune connaissance du cinéma… je doute de la réussite de l'entreprise. Ou alors ce sera un autre regard complètement différent qui peut se révéler intéressant, en décalage. Pourquoi pas ? Il n'y a pas de règle unique et absolue et c'est ça qui est bien aussi.


  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Te sens-tu libre artistiquement malgré certains impératifs (l'activité du plateau, la production, la distribution…) ?

Jean-Claude Moireau : Je reconnais qu'on me laisse souvent faire à partir du moment où l'on m'a engagé donc que l'on m'a fait confiance… Pour ce qui est des photos d'exploitation, qui sont souvent utilisées par la presse au moment de la sortie du film, il vaut mieux qu'elles soient assez " fortes ", pas trop non plus, mais que l'on sente par exemple que quelque chose se joue entre deux personnages… Ce n'est pas forcément une image qui respecte scrupuleusement un plan exact du film mais ça pourrait en être une, elle doit exprimer son climat. Un (e) comédien(ne), à partir du moment où il (elle) est sur le plateau, avec le costume, la coiffure, le maquillage d'un personnage est déjà ce personnage, même quand la caméra ne tourne pas. Il (elle) a déjà ses gestes, ses poses, ses attitudes… Indépendamment de cela, j'aime bien photographier les gens dans des moments d'abandon, presque de fatigue, parce qu'il y a des choses très émouvantes qui apparaissent alors, (qui ont peut-être à voir avec la fragilité de la condition humaine ?). Mais en même temps je ne m'approche pas trop, je garde une certaine distance. C'est vraiment une question de juste distance… comme au cinéma.

J'ai récemment travaillé sur un film où sont venus plusieurs autres photographes et c'était intéressant parce que nous avions des manières tellement différentes de " faire "… En ce qui me concerne, je sais qu'il me faut être patient et discret car je travaille à l'intérieur de certaines limites. Malgré cela, il y a des jours où je vis plus mal le fait de devoir renoncer à telle ou telle photo parce qu'on ne m'a pas accordé le temps nécessaire alors que ça n'aurait demandé que 15 ou 20 secondes. C'est un peu dommage puisque de ce moment qui ne se reproduira pas il n'y aura aucune trace d'image fixe…