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Pour défendre la profession, j'aime à dire qu'on ne sait jamais ce que va être la vie d'un film. Aussi bien il peut n'être vu que par une minorité de personnes et rester longtemps aux oubliettes. Aussi bien il peut se trouver sélectionné pour un festival et récompensé… Et puis la vie d'un film ne se limite plus à la période de l'exploitation en salles (heureusement car elle est parfois bien courte !) : ça va au-delà avec les vidéocassettes et DVD, les passages sur les chaînes de télévision… Enfin, je trouve important de rendre compte de l'évolution du travail d'un réalisateur. Rien ne dit que dans dix ou vingt ans un livre ne lui sera pas consacré. Bien sûr pour illustrer une séquence on peut toujours recourir aux photogrammes mais ce n'est pas la même chose et c'est aussi coûteux. Idem pour les comédiens et les comédiennes. On a en France quantité de jeunes talents dont certains seront peut-être un jour concernés par un hommage, une exposition, une monographie…


Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Fais-tu un travail préalable en lisant le scénario, peux-tu décider des moments où tu seras indispensable ?

Jean-Claude Moireau : Disons qu'à la lecture, j'essaie de voir où se situent les séquences qui ont les chances d'être les plus intéressantes au point de vue des photos. Si je ne suis pas engagé sur la totalité du tournage, on me laisse souvent carte blanche en ce qui concerne mes jours de présence. D'autres fois, on ne me demande pas mon avis et les jours ont été fixés avec précision. Tout dépend des productions et du budget : le photographe est souvent la dernière roue du carrosse et l'on m'a parfois appelé pour des films dont le tournage était déjà commencé ! C'est un fait qu'avec ou sans photographe, le film se fera de la même manière alors que d'autres postes doivent être impérativement occupés, mais le besoin concret de notre travail, l'utilisation des photos, ne vient qu'après…


Objectif Cinéma : Alors, le photographe devrait être tout le temps sur le plateau au même titre que les autres techniciens ?

Jean-Claude Moireau : C'est l'idéal et cela arrive quand même de temps en temps... Si l'on n'est présent que très peu de jours, ça ne signifie pas grand chose. Mais je sais que sur les téléfilms qui se tournent à toute vitesse, c'est presque une règle : on fait appel à des photographes d'agence qui vont " shooter " un maximum, qui vont faire dix rouleaux en une journée quand moi j'en fais un ou deux parce que j'évite de gaspiller, c'est une sorte d'éthique : on vit dans un monde où l'on est bombardé d'images, mais justement il faut faire attention aux images et l'on ne peut pas faire des photos n'importe où, n'importe quand, n'importe comment !

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Quand je peux me le permettre, c'est-à-dire si je dispose d'un temps suffisant, je laisse venir autant que je vais chercher… Ça m'est arrivé et ça m'arrivera encore, pour diverses raisons, d'aller seulement deux jours sur un plateau, mais j'aime mieux travailler sur la durée. Il y a des photos qui ne s'obtiennent que de cette façon et on peut toujours avoir des surprises au moment des résultats, dans un sens comme dans l'autre : parfois on se dit qu'avec telle séquence on aura des photos géniales et pas du tout, quand telle autre apparemment plus faible aura occasionné des photos très fortes. Il y a dans tout cela une part de mystère… Tant mieux ! Plusieurs fois on m'a rapporté que sur un tournage il s'était passé quelque chose de rare mais que manque de bol il n'y avait pas de photographe ce jour-là… D'ailleurs, il n'y en a pas sur tous les films. C'est une question de budget et de choix des priorités. Mais si la présence du photographe se limite à trop peu de temps, il ne peut guère y avoir un matériel riche et varié à l'arrivée (qu'est-ce que ce sera si la plupart des séquences couvertes sont coupées au montage ?) et cela ne fait pas le bonheur des attachés de presse pour qui les photos sont le premier outil de communication…