Objectif Cinéma : Peut-on
dire que les photographies de plateau apportent une autre
postérité au film ?
Jean-Claude Moireau : Ce
que je peux évoquer, c'est l'expérience qui
a été la mienne pour illustrer mon livre sur
Jeanne Moreau. Dans les années 50, Jeanne a tourné
de nombreux films noirs et je me suis rendu compte que pour
tous ces films de genre il y avait quasiment une photo de
chaque plan, un matériel d'enfer ! Dans les années
60, c'était encore assez riche (les productions de
Louis Malle et de François Truffaut m'ont donné
accès à tout ce dont elles disposaient). Puis
après, au cours des années 70, un glissement
s'est opéré, des films se faisaient avec les
moyens du bord, exclusivement en extérieurs, leur
promotion passait de plus en plus par la télévision
et il n'y avait pas toujours un photographe. Pour certains
films, j'ai eu bien du mal à trouver des témoignages
photographiques de qualité. Je pense à des
films aussi importants que M. Klein de Losey ou Le Dernier
Nabab de Kazan
Ou si photos il y avait, je n'ai jamais
pu les localiser ! Enfin, à partir des années
80, beaucoup de productions ont pris l'habitude de passer
des contrats avec des agences, ce qui dans un premier temps
pouvait leur faire réaliser des économies
Mais certaines commencent à se rendre compte qu'il
leur importe d'avoir les mains libres avec toutes les photos
réalisées et de mieux contrôler leur
diffusion. Personnellement, j'ai la chance d'avoir travaillé
plusieurs fois avec Fidélité Productions chez
qui on l'a compris.
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Il y a quelques années pourtant,
j'entendais souvent dire que le métier de photographe
de plateau était condamné. Il ne faut pas
se voiler la face : on est très peu à travailler
régulièrement et je ne sais même pas
si je dois m'inclure dans le nombre. Il m'arrive de ne pas
faire que cela, si je veux conserver mon statut d'intermittent
du spectacle car là où pour un autre technicien
deux contrats suffisent dans l'année, il me faut
dans le même temps travailler sur quatre ou cinq longs
métrages
Objectif Cinéma : As-tu
des affinités particulières avec des réalisateurs,
des comédien(ne)s ?
Jean-Claude Moireau : J'ai
photographié des comédien(ne)s qui étaient
peu ou pas connu(e)s et d'autres qui l'étaient beaucoup,
mais le plaisir est presque du même ordre, il n'y
a pas de différence fondamentale. Si différence
il y a, elle se situe dans tous les à-côtés,
dans les échanges qu'on peut avoir, disons dans tout
ce qui est d'ordre relationnel. Mais chaque film a son univers
et représente une aventure différente. Pour
l'instant, je n'ai guère refusé de propositions
sauf s'il y avait incompatibilité dans les dates
Il est aussi arrivé qu'au dernier moment je ne travaille
pas sur un film sur lequel j'avais été pressenti
parce qu'au bout du compte, producteurs, réalisateurs
ou distributeurs ont choisi quelqu'un d'autre (il faut savoir
qu'on ne signe pratiquement jamais un contrat à l'avance
!). Dans ce cas, il faut encaisser, mais souvent j'ai admis
par la suite que ç'avait été un mal
pour un bien, alors pas de regrets ! Tout cela n'a rien
de spécifique au métier, ça vaut pour
la vie en général