Objectif Cinéma :
Tu travailles régulièrement
avec François Ozon
Jean-Claude Moireau : Grâce
à Jean-Claude Guiguet qui m'avait promis d'être
photographe sur son film Les passagers, dont le tournage
a dû être retardé, j'ai eu la chance
de faire la connaissance de François au moment où
il préparait son premier long métrage, Sitcom
, ce film sauvage tourné avec très peu d'argent
pendant le mois d'août 1997. Ça a été
une rencontre phare parce que Sitcom était aussi
pour moi le premier long métrage (j'avais auparavant
travaillé sur quelques courts, le premier ayant été
Dimanche ou les Fantômes de Laurent Achard) et depuis
je n'ai pas arrêté
Ozon tourne beaucoup,
il en est à son cinquième film en quatre ans.
Il m'est très fidèle, mais chaque fois je
me dis qu'il va peut-être se lasser ou préférer
quelqu'un d'autre ! En attendant, il me semble (je crois
qu'il faudrait lui demander ce qu'il en pense, lui) que
ma présence dans son équipe ne se situe pas
qu'au niveau de la seule photo (quoique, l'air de rien,
François soit très directif par rapport à
ça !), il m'apprécie aussi pour ma culture
cinéphilique (je parle volontiers des cinéastes
qui me sont chers : Antonioni, Rohmer, Tanner, Ferreri
)
Je n'avais vu de François Ozon que Regarde la mer
et Une Robe d'été avant de le connaître,
mais tout de suite je m'étais dit : " Ah ! Quelles
photos il y aurait à faire ! ". C'est un vrai
cinéaste, doué à tous les stades de
la réalisation, de l'écriture au montage,
mais je lui reconnais surtout un formidable sens du cadre.
D'ailleurs, il le fait lui-même et sa phrase sur le
plateau, c'est : " Ça y est, moi j'ai mon cadre
! ". Tout s'organise à partir de cela. Quand
je parlais tout à l'heure de l'intérêt
d'être à l'emplacement de la caméra,
sur ses films à lui, en l'occurrence, c'est primordial
: si l'on est un peu trop d'un côté ou de l'autre,
un peu trop haut placé ou trop bas, c'est toute la
composition de l'image qui n'est plus la même
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Objectif Cinéma :
L'amour du cinéma, de la
star, le plaisir de capter le jeu des comédien(ne)s
semblent prendre une grande place dans ton travail
Jean-Claude Moireau : J'ai
quand même eu la chance, depuis moins d'un an, de
photographier plusieurs comédiennes qui ont été
récompensées d'une manière ou d'une
autre. Il y a eu Karin Viard à l'automne, qui partageait
l'affiche avec Charles Berling dans le film de Laurent Tuel
(Un Jeu d'enfants), peu de temps après qu'elle a
été césarisée. Ensuite, j'ai
photographié Dominique Blanc qui a elle aussi obtenu
depuis un César de la meilleure actrice. Puis Sylvie
Testud, qui a reçu celui du meilleur espoir féminin
pendant le tournage d'un court métrage de Stéphanie
Murat dont elle était la vedette. Enfin, Isabelle
Huppert à qui le Festival de Cannes a décerné
le prix d'interprétation, pendant le tournage de
Huit Femmes. Tout ça me fait plaisir bien sûr...