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Je ne peux pas photographier des comédiens, des comédiennes, sans les aimer. A partir du moment où je les photographie, je les aime, ça ne peut pas être autrement. Et je crois qu'ils (elles) sentent de quelle nature sont les regards qui se posent sur eux (elles). Il y a en même temps une intimité et une distance, ça me convient. Je suppose que l'attitude des photographes de reportage, qui ont l'habitude de s'avancer, de prendre des risques pour travailler risquerait d'être perçue comme agressive sur certains plateaux. Mais être trop distant, ce n'est pas bien non plus. Il s'agit là aussi de trouver la bonne place, la juste distance. Plusieurs fois des comédien(ne)s se sont étonnés de ma discrétion (je pense à Fabienne Babe, Dominique Reymond, Marie Matheron, Yves Afonso…). Je travaille effectivement dans la douceur et j'obtiens autant sinon plus que par une autorité que je pourrais exercer, mais ça m'emmerde, je n'aime pas tout diriger… Et même quand je réaliserai, c'est ma manière à moi d'obtenir les choses. En tout cas, si j'avais fait ce que je fais il y a quelques années, j'aurais eu plus de mal, j'aurais été plus impressionné, au risque de perdre mes moyens. À me retrouver sur un plateau de stars comme c'est arrivé récemment sur Huit Femmes, j'aurais pu avoir peur, or on ne peut se le permettre, il faut être présent, attentif et détendu.


  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Sur le plateau, tu te places souvent là où se trouve la caméra mais tu photographies aussi des attitudes, des actions parallèles au film. N'as-tu pas l'impression de faire ton propre film ?

Jean-Claude Moireau : Pas vraiment car on ne me demande pas mon avis et que sur un tournage, le cinéaste est en fin de compte celui qui décide, mais il est vrai que j'ai des envies de réalisation. D'ailleurs, je suis en train de préparer un court-métrage. Tout s'est précisé à partir du moment où j'ai eu une production et l'accord de régions pour participer au financement. En principe, je devrais le tourner l'hiver prochain. Mais même si je réalise un ou plusieurs films, je continuerai à faire des photos… Je pars la semaine prochaine à Hambourg d'où je vais en rapporter : le voyage m'est une inspiration et une respiration nécessaires, il décuple mon acuité et me dynamise. Pour l'instant, toutes ces photos, je ne fais que les archiver, mais actuellement il y en a une, prise à Lisbonne, qui fait partie d'une exposition à la Maison des Photographes. Est-ce un début ? L'avenir le dira, mais je reconnais que je ne déploie pas une énergie colossale pour exploiter ces images ! Je me contente d'engranger. C'est un travail personnel qui s'effectue sur une longue durée…

Je suis venu à occuper le poste de photographe de films à quarante ans passés. Ce n'est pas habituel. Je travaille parfois sur des films où la moyenne d'âge se situe entre vingt et trente ans. Ça prouverait qu'il n'y a pas de règle et peut-être que si j'avais commencé plus tôt, il n'y aurait pas eu tout ce " background " de cinéphile, cette expérience des relations humaines, des voyages, des images… la vie, quoi… Avec le temps, je suis plus sensible aux visages et à leurs expressions. Ce qui me fait plaisir, c'est que lorsque je regarde des photos datant de seulement deux ou trois ans, j'en suis rarement satisfait. J'ai l'impression de m'être amélioré. Je crois que chaque occasion de travailler est une occasion de faire des progrès.