Objectif Cinéma : A
quelle occasion a eu lieu votre première collaboration
au cinéma avec lui ?
Michel Fournier : André
Weinfeld qui devait être le chef opérateur
de Marie pour Mémoire, s'est cassé la jambe
au sport d'hiver, Philippe m'a alors sollicité. J'ai
commencé sans à priori, car on faisait avec
ce qu'on avait, on tournait " camé blimp ".
Ce qui explique sans doute parfois la piètre qualité
du son sur les films de Garrel de cette époque, qui
sont d'ailleurs particulièrement visuels. Je suis
un peu narcissique dans la mesure où quand je regarde
les films, je n'écoute pas le son. Je ne suis pas
très objectif. Le son, je ne m'en occupe que quand
il est bon. Il ne devait donc pas être de très
bonne qualité. (rires)
Objectif Cinéma :
Est-ce qu'il y avait une fracture
avec le département son, car les premiers films de
Philippe Garrel ne semblent pas y avoir porté une
grande attention ?
Michel Fournier : Je
vous ai expliqué, à l'époque, ils boudaient,
ils avaient renoncé à coopérer. Au
son, on a besoin de concentration, il y a souvent plus de
problèmes techniques. Réaliser des travellings
à répétition leur faisait faire une
gymnastique intensive, exceptée pour Marie pour mémoire
où ce n'est pas du son direct..
Objectif Cinéma :
Le bruit de fond d'une caméflex
est il difficile à supprimer ?
Michel Fournier : Seul
le " camé-blimp " est très efficace,
mais il fait 90 kg Le mieux c'est de se mettre derrière
la vitre, ça ne se répercute pas sur l'image,
il faut juste bâcher si c'est sur un balcon par exemple.
Ca peut améliorer la densité de l'image.
Objectif Cinéma :
Des légendes circulent sur
les conditions de tournages des films de Garrel, expliquant
en partie la qualité et l'originalité du travail
des cadres, pouvez-vous nous en parler ?
Michel Fournier : J'ai
travaillé avec des floods, des arcs, mais je n'ai
eu ce matériel qu'une ou deux fois dans ma carrière.
J'employais plus particulièrement des lampes xénon.
L'intérêt de ces lampes étant les différentes
gammes de lentilles que l'on pouvait apposer. Ensuite il
y avait les lampes quartz qui sont des lumières zonées
(le champ lumineux est inégal, le réflecteur
est quelque peu gaufrée construisant une lumière
diffuse et omnidirectionnelle) puis quelques lumières
contrastées, et enfin des lampes torches. Par exemple
la scène de la grotte dans Le lit de la vierge est
une des scènes où il y a le plus d'éclairage.
Il devait y avoir une vingtaine de lampes mais ce fut exceptionnel.
Habituellement, j'étais seulement entouré
de 2 éléctros et de 2 machinistes. Il régnait
une très bonne ambiance parce qu'on savait qu'il
y avait une belle chose à faire par jour. On prenait
beaucoup de temps pour installer des travellings, mais on
travaillait dans une grande spontanéité. J'utilisais
aussi beaucoup de filtres, mais la copie projetée
hier au Centre Pompidou était assez grise, c'est
dommage, car, dans ce film, les raccords lumières
sont très réussis ; on passe de la Bretagne
au Maroc sans que la lumière ne change.