Objectif Cinéma : Comment
s'organise un tel travail quand on a peu de matériel
à sa disposition ?
Michel Fournier : Je
faisais le cadre et la lumière, j'avais deux assistants.
On peut cumuler lumière et cadre mais il faut éviter
les dissensions en tous genres dans une équipe de
cinéma. Par exemple, il ne faut jamais court-circuiter
le travail d'un assistant. Il existe une certaine admiration
envers notre travail, parce qu'on a été plus
loin que la Nouvelle Vague en ce qui concerne l'épure
au niveau de la technique, mais réduire les équipes
n'est pas forcément une bonne chose. C'est un inconvénient
du " cinéma vérité ", ou
de la Nouvelle Vague. Tourner avec des moyens légers
pour ne pas dépendre du producteur, cela se défend
mais ça prenait parfois des proportions faramineuses.
Il ne faut pas réduire la technique. Maintenant dans
l'industrie cinématographique, ils ont tendance à
tout monopoliser, à tout simplifier, pour rentabiliser.
Il y a des systèmes d'inversions, de décalages,
de réimpressions de négatifs qui donnent des
couleurs pétantes, mais qui ne sont plus réalistes.
Le cinéma devient alors vraiment limité. Ma
fille Aure Atika, je ne la reconnais pas à l'écran
; ils ont renoncé à maquiller, il n'y a plus
rien à faire. Les Américains y arrivent sur
1/10 de leur production. Mais regardez les têtes des
acteurs des Terry Gilliam, Jon Woo, Joel Schumacher, ils
sont affreux. On est bien loin des Garry Cooper. Pour être
véritablement libre, il faut que les moyens correspondent
au but recherché. Autre chose, il est très
important de définir un format avant même l'écriture
d'un scénario.
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Objectif Cinéma :
Pourquoi ? Comment choisit-on le
format d'un film ?
Michel Fournier : Il
est plus facile d'imaginer les scènes quand on a
décidé d'un format. Otto Preminger disait
: " le cinémascope, c'est pour filmer les enterrements
", si vous faites une comédie, privilégiez
le 1/60 ou 1/80, ça dépend de la moyenne des
plans. Par exemple les films de Garrel, c'était principalement
du 1/66.
Objectif Cinéma :
D'après vous, qu'est-ce qui
distingue un bon chef opérateur ?
Michel Fournier : C'est
tout simplement la personne qui arrive à faire ce
qu'elle sait faire. Je n'ai pas d'ostracisme, j'admirais
beaucoup les grands chefs opérateurs américains.
Cela serait bien si les opérateurs pouvaient être
reconnus. Je vais dire du mal des gens, mais la plupart
des opérateurs actuels ne sont plus des artistes.
Philippe Garrel me laissait jouir de mon art, à présent,
le type met la caméra en route, le metteur en scène
passe son temps à venir calculer le cadre à
la place de l'opérateur, et puis c'est tout. Nous
ne sommes plus que de simples exécutants. Ceci dit,
même Raoul Coutard ( chef opérateur "historique"
de la Nouvelle Vague, qui signe la photo de " Sauvage
innocence " le prochain film Philippe Garrel qui devrait
être présenté au Festival de Venise
2001) avec Godard n'était pas libre de faire les
images qu'il souhaitait.