Objectif Cinéma : Le
travail du cadre chez Garrel est un élément
déterminant, comment fonctionniez-vous ensemble ?
Michel Fournier : Ca
c'est Garrel, il faut rendre à César ce qui
est à César. Il fabriquait son histoire, dirigeait
ses acteurs, et je m'occupais de mettre le tout en boîte.
En fait, je me sentais sur un parfait pied d'égalité
avec Garrel.
Objectif Cinéma :
Comment pensiez vous ces images
?
Michel Fournier : Rappelez-vous
que j'ai une énorme culture cinématographique,
notamment au niveau technique, déplacements de caméra.
J'ai retenu et assimilé ce que j'ai vu dans tous
ces films hollywoodiens, sans que cela parasite mon travail.
Objectif Cinéma : Comment
définiriez-vous votre travail ?
Michel Fournier : Les
chefs opérateurs de ces films n'étaient pas
maladroits. On les reconnaît au style, mais pas au
style artistique mais technique. Tout comme eux, je me suis
démarqué par des options techniques, et une
manière de travailler non académique.
Objectif Cinéma :
Quels étaient vos règles
?
Michel Fournier : Elles
tiennent sur les dix doigts de la main. Ceci dit, on peut
tout faire, il ne faut jamais se restreindre. Par exemple,
les raccords dans l'axe. On peut avoir pour base de ne pas
couper l'axe dans un champ / contre-champ, mais dans un
film de Pier Paolo Pasolini, au lieu de faire un champ/contre-champ,
sur un même côté ou en changeant de coté,
il passait par le milieu, en coupant l'axe. Vous passez
d'un plan à un gros plan, où l'acteur regarde
la caméra. Au lieu de franchir l'acte, vous l'accentuez.
Il faut explorer la camera subjective. Les champ / contre-champ
sont souvent réalisés sur les épaules
respectives des acteurs, mais vous faites le dos à
dos ! Eloignez le personnage, faites un champ puis retournez-vous
à 180 degrés : restez sur l'axe. C'est soi
disant la chose à ne pas faire. Par contre, attention
aux raccords dans l'axe, c'est une règle indestructible,
car si vous grossissez dans l'acteur en restant dans l'axe,
il y a une saute d'image et ça brutalise le spectateur.
Joël Schumacher est un champion pour ça, il
a fait des mauvais films, mais il est très fort pour
les mouvements de caméra. Il fait beaucoup de plans
caméra à l'épaule et s'est réapproprié
le dogme. Le spectateur veut bien être brutalisé
mais pas par le ressenti technique pur et simple. J'évite
d'aller voir un film où il n'y a plus d'identification
possible, cela devient un spectacle mobile que la persistance
rétinienne n'arrive même plus à enregistrer.