Objectif Cinéma : Comment
les plans du tunnel dans Le révélateur ont
ils été conçus ?
Michel Fournier : J'avais
un éclairage principalement composé de lampes
quartz placées face au personnage, on partait d'une
limite de perception au plus loin, jusqu'à ce que
ça explose au plus près. Quand vous présentez
une photo à quelqu'un et que c'est en contre-jour
ou en sur-exposition, ça le perturbe, mais il y a
une manière de faire. L'il s'accommode, et
dans le tunnel, on empêchait le spectateur de s'habituer.
Les opérateurs dans l'ensemble diraient que ce plan
est une catastrophe, voyez le résultat. Ne vous laissez
jamais dominer par la technique.
Objectif Cinéma : Quels
sont les manoeuvres difficiles à faire pour un chef
opérateur ?
Michel Fournier : Pas
grand chose, dans les films, ce sont les enfants et les
animaux, ou bien les actrices qui se prennent pour des stars
qui peuvent poser problème.
Objectif Cinéma : Philippe
Garrel a beaucoup tourné avec des enfants
Michel Fournier : Stanislas
Robiolles était génial, son père (Jacques
Robiolles) aussi d'ailleurs. Si vous pouvez un jour voir
Le train de Transylvanie, c'est un très grand film,
du niveau de Garrel. Ca vous enfonce tout le cinéma
américain underground. Stanislas était largement
conditionné, son père le pendait dans le vide
et lui disait : " tu vas te calmer et y retourner "
quand il commençait à faire des manières
! Cet enfant était un amour, on aurait dit qu'il
avait fait ça toute sa vie.
L'entente n'est pas toujours facile. Je me rappelle qu'un
jour, durant le tournage d'Athanor en Suisse, Garrel s'est
fâché contre moi parce que je suis resté
trop longtemps à l'illeton. Pour lui, l'image
prenait trop d'importance, et j'avais un peu pris le dessus
sur ce film là. Au niveau commercial, ce n'est plus
possible de faire des films d'image, imaginez qu'il ait
laissé ce film tel quel ( Athanor était initialement
un film de deux heures dont on a retranché 1h40).
C'était très esthétisant et ce film
aurait pu rentrer dans l'histoire du cinéma.
 |
|
|
|
Objectif Cinéma :
Quel rapport entreteniez-vous avec les acteurs ?
Michel Fournier : Je
disais à Zouzou : " tu habites l'image ".
Ca prenait des proportions phénoménales. J'adorais
tourner avec elle, elle avait un feeling incroyable. Avec
Pierre Clémenti, je n'avais pas un très bon
contact, il était toujours à la limite du
cadre, il voulait comme manoeuvrer. Dans un plan du Lit
de la vierge, je lui coupe la tête, quand il prend
la malle. Apres l'accident ( Clémenti est tombé
d'une falaise de près de 30 mètres et est
remonté sans une égratignure ), il s'est cru
miraculé. C'est au moment où il a réussi
qu'il se plante, c'est très français comme
mentalité. Dans l'ensemble avec les acteurs de Garrel,
il n'y avait pas de problèmes, Laurent Terzieff était
un peu distant mais c'était génial de tourner
avec lui. Avec Maurice Garrel, c'était vraiment merveilleux,
il entre dans l'image et tout est fait, on ne parle même
plus. Il est en parfait accord avec la technique.