Objectif Cinéma : Pourquoi
avez vous arrêter votre carrière de chef opérateur
?
Michel Fournier : Après
les films de Garrel, jai tourné avec Luc Moulet,
et Patrick Deval, mais je n'ai eu ensuite que des propositions
minables, où l'on voulait me faire travailler à
l'autorité. Avec Philippe, je respirais ma création,
je pouvais l'exécuter avec des espaces de liberté
sans empiéter sur d'autres domaines.
Objectif Cinéma :
Comment expliquer vous le manque
d'audace, visuellement parlant, dans bon nombre de productions
françaises notamment ?
Michel Fournier :
C'est une tradition. Les grands opérateurs américains
comme Harry Stradling, My fair lady, ou Burks, sont des
génies de la technique car ils étaient tenu
par des contraintes techniques assez extraordinaires. Burks
est reconnaissable à la matière même
de ses images. Etant donné qu'Hitchcock bordait toute
les scènes, il n'existait pas de grande liberté
de cadre. Il ne décidait pas véritablement
de l'image, mais on les reconnaît à leur traitement
de l'image même. Par exemple, quand vous êtes
dans une scène illuminée, où il n'y
a pas d'ombres alentour malgré les 350 personnages,
c'est du Harry Stradling.
Objectif Cinéma : En
somme, en exploitant les contraintes on pouvait être
inventif, ce qui ne serait plus le cas aujourdhui ?
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Michel Fournier : Sans
vouloir être sarcastique, il me semble que les chefs
opérateurs que l'on me nomme le sont parce qu'ils
font des mondanités, mais au niveau de leur travail
ce ne sont que des exécutants. C'est pour ça
que cela ne me manque pas de ne plus travailler. De plus,
je ne vais pas tomber sur un Garrel tout les quarts d'heure
; le jour où je tombe sur un petit jeune qui fait
une comédie musicale et qui me laisse la liberté
de faire l'image, je reprends du service de suite, à
condition de ne plus être régi par cette pellicule
immonde.
A l'époque c'est un aspect qui a joué quand
j'ai mis un terme à ma carrière. Auparavant
on avait 5 pellicules noir et blanc, la plus X la double,
la TRI X et la 4X qu'on pouvait emmener jusqu'à 3200
Asa. On travaillait principalement avec la 52/54, pellicule
classique, de couleur moins vive que technicolor, qui réclamait
peu d'éclairage de jour, donnait plus de profondeur
de champ et partait de couleur pure, donnant une gamme,
comme dans les films de Tati, les bleu, rouge, jaune, bien
séparés, et qui ne produisaient pas d'effets
secondaires comme aujourd'hui, où les comédiens
ont des mines vertes. Apparemment, à moins qu'il
y ait eu du nouveau, on a toujours cette pellicule apparue
dans les années 74/75, qui n'était pas destiné
au cinéma, mais fabriquée pour tirer des bandes
d'actualités par série. Le développement
passe à 20 minutes au lieu d'1h30 et de 47 degrés
à 20 degrés. Cette pellicule est plus performante,
mais beaucoup plus délicate à traiter, et
les possibilités chromatiques sont moindres que pour
les pellicules précédentes. Aussi, les teintes
étant brisées au départ, on ne peut
pas obtenir de couleurs pures avec ça, sauf la nuit
sur des néons de couleurs vives.