Objectif Cinéma :
A quoi faut-il faire attention lorsqu'on
veut réaliser des images assez sombres mais dont
les contours sont visibles ?
Michel Fournier : Il
suffit de très bien mesurer la lumière dans
le noir, avec une bonne cellule. A l'époque, dans
les labos, lors de l'étalonnage, c'était très
précis, tandis qu'aujourd'hui, on fait une moyenne
du total. Dans Le lit de la vierge, quand Pierre Clémenti
longe le mur, la tête noire comme celle d'un loup
en chasse, il va mettre le feu à la maison. Cela
correspond. Le sens est important, il ne faut pas seulement
penser à la technique en tant que tel. Cependant
c'est assez facile avec un acteur de cette trempe. Ce qui
est malheureux c'est que si les gens ne se réveillent
pas, la vidéo va prendre le dessus, alors qu'au niveau
cinématographique, tout a à peine commencé.
Objectif Cinéma : Quels
sont les éléments essentiels auquel il faut
prêter attention quand on tourne de nuit ?
Michel Fournier : La
pellicule Kodak fonctionne relativement bien de nuit. En
noir et blanc, il est assez compliqué d'éclairer
de nuit. J'ai été stagiaire sur La grande
vadrouille, puis sur Paris brûle-t-il ? et c'est alors
Claude Renoir , opérateur sur Paris au mois d'août
qui m'a montré un petit peu comment il faisait. Par
exemple, sur un plan où il y a des lampadaires, vous
vous simplifiez la vie, vous l'éclairez de face,
seulement ce n'est pas assez réaliste, il faut alors
restituer l'éclairage local. Il faut donc éclairer
dans la direction des lampadaires, mais comme ce sont des
lumières omnidirectionnelles, et qu'il y a des lampadaires
tous les 25 mètres, le comédien va s'illuminer
de plus en plus au fur et à mesure qu'il se rapproche
du lampadaire. Il faut alors équiper vos lampes d'un
rhéostat, sinon il va en prendre plein la tête.
Ensuite il faut faire les contre-jours, pour avoir l'acteur
de dos et de face. Il faut découper les contours.
Dans l'éclairage classique, il y a trois lumières
: face, côté, dos. Claude Renoir travaillait
au moins sur deux éléments au rhéostat.
Dans les films de Garrel, le principe était de sentir
les passages des projecteurs sans trop les sentir.
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Objectif Cinéma : Quels
sont les différences auxquelles un chef opérateur
doit s'adapter entre vidéo et pellicule ciné
?
Michel Fournier : J'ai
travaillé en vidéo, et je ne sentais pas que
ce que je faisais étais important, car avec la vidéo,
on peut recommencer à l'infini. Avec Philippe, on
tournait impulsivement, on répétait, mais
en une prise, on faisait ce qui fallait, car il prenait
des acteurs qui dégageaient d'emblée quelque
chose, et non des gens qu'il aurait fallu pousser à
bout, comme peut le faire Maurice Pialat.