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Emmanuel de Fleury (c) Stéphane Legrand
Objectif Cinéma : Le chef opérateur Jean Pierre Sauvaire connaissait la technologie numérique ?

Emmanuel de Fleury : Généralement, c'est l'opérateur qui sait tout, avec ses dix ou quinze ans de métier de plus que nous. Pour Vidocq, on sentait que la mission était plus importante. Toute l'équipe était assez jeune. Nous on était là pour l'aider. Malgré mon " statut " d'assistant, je me disais que je pouvais certainement lui apporter plein de choses d'un point de vue technique sur les pièges de la vidéo. Quand des choses très jolies à l'œil ne passaient pas à l'oscilloscope, on tirait la sonnette d'alarme ! On devait lui faciliter la tâche pour que son travail artistique ressemble à du film. Notre chef opérateur faisait toute sa lumière au moniteur ; nous, on contrôlait à l'oscilloscope la courbe de la lumière. Travailler sans cellule, c'est aussi demander au steadicameur, Alessandro Brambilla, de faire des allers et venues entre les intérieurs et extérieurs, cadrer le ciel, lui dire qu'on tourne à tel diaph', rentrer pour commencer à tourner… La cellule, c'est la caméra !


Objectif Cinéma : Tu as participé aux essais caméra?

Emmanuel de Fleury : Je suis arrivé assez tard dans la préparation. Les caméras ont été disponibles trois semaines avant le tournage chez Alga (prestataire du matériel Panavision). Il a fallu prendre des décisions très rapidement. Ils ont eu avant tout des essais techniques, des comparatifs numérique/film pour être sûr, puis des essais du numérique seul, en haute et basses lumières et surtout en réfléchissant à la transposition sur pellicule. A partir du moment où on tourne en numérique, l'image peut être très belle mais impossible à reporter en film : c'est ce qui se passait au début. Dans la pratique, on obtient un signal vidéo sur un moniteur qui doit être suffisamment important pour aboutir à une image identique sur film. Il a fallu se méfier de la profondeur de champ, qui peut parfois gêner l'œil en vidéo quand elle est trop importante. Le plus embêtant pour nous et la post production, à l'oscilloscope, c'était que notre signal vidéo était trop faible. On a donc doublé la lumière. On a parlé du problème en réunion de production en demandant deux fois plus de lumière, deux fois plus de projecteurs, des camions et une équipe deux fois plus importante. On se serait rendu compte du problème au bout d'une semaine, ça aurait pu être catastrophique.


  Vidocq (c) Stéphane Legrand

Objectif Cinéma : Tu avais des notions techniques en vidéo numérique ?

Emmanuel de Fleury : Personne ne connaissait réellement. J'avais quelques notions comme tout le monde mais on était là pour réapprendre et pour repenser à tout parce que c'était une nouvelle méthode à trouver qui devait marcher du début à la fin du tournage. Fallait-il étalonner les caméras pendant le tournage ? C'était des petites choses que l'on devait décider. On a des petites bases en vidéo donc on doit tout reprendre à zéro dans la méthodologie. Est-ce que l'on a adopté la bonne technique ? Je ne sais pas ! On a essuyé les plâtres en faisant ce qu'on pensait être au mieux et ça s'est bien passé.


Objectif Cinéma : Et l'équipe technique, comment s'est-elle adaptée au numérique ?

Emmanuel de Fleury : On a une nouvelle caméra, donc il y a des préjugés : certaines personnes se disent qu'on n'a pas besoin de lumière, que c'est comme les caméras vidéo, qu'il n'y a pas besoin de deuxième assistant car les cassettes remplacent les pellicules, les caméras sont télécommandables… Partant de là, plein de certitudes se révèlent être fausses et il faut réapprendre à la fois à l'opérateur et à toute l'équipe une façon de tourner. D'un seul coup, l'opérateur se retrouve derrière un moniteur pour faire sa lumière. JP Sauvaire a choisi de se procurer le plus gros moniteur possible en haute définition, (un petit ne suffit plus) placé dans une cage au noir, complètement opaque, pour obtenir à l'œil le meilleur rendu possible et pouvoir dire "ça, c'est mon rendu film, je travaille à partir de mon moniteur, je n'ai plus besoin de cellule…!" Ce procédé a posé problème dès lors qu'on entrait et sortait de cette cage : on perdait des valeurs à l'œil. Très rapidement, on a décidé que quelqu'un reste dans cette cage au noir pour faire les raccords entre les plans, vu que l'opérateur avait du mal à entrer et sortir en plein jour et assurer l'équilibre de ses lumières. C'était une nouvelle méthode à trouver. Pour les plans au steadicam, c'est le chef op qui suivait ces plans au moniteur. Pour les plans fixes, les assistants caméras ou le chef électricien avaient la charge de l'étalonnage des plans dans cette cage. C'était assez compliqué, notamment dans la cour du Panthéon, quand la lumière passait du soleil aux nuages. L'étalonnage se fait dans les menus de la caméra. On ne pouvait pas changer les paramètres de colorimétrie de l'image et voir le rendu. Donc un deuxième technicien étalonne, pendant que tu lui donnes les corrections à l'écran, " …Ouvre le diaph, plus 1 en vert, plus 2 en bleu ".
On est parti du principe que tout ce qui apparaît sur le moniteur est un rendu film. A partir de là, les gens voulaient que ça soit "joli" dès le retour sur moniteur. Depuis, d'autres méthodes ont été employées comme tourner le film avec les réglages caméra d'usine - car les techniciens savent que l'étalonnage se fera en post-production - mais pour ce premier film on voulait partir des meilleures images possibles, pour rassurer aussi l'ensemble de l'équipe ! Ce qu'on voit sur l'écran n'est pas ce qu'on voit sur le plateau. Mais les méthodes et les caméras évolueront, ça ne fait aucune doute.