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Emmanuel de Fleury (c) Stéphane Legrand
Objectif Cinéma : Et Pitof, comment s'est-il adapté au matériel ?

Emmanuel de Fleury : Pitof est quelqu'un qui maîtrise parfaitement bien la technique, aussi bien du 35 mm que du numérique, on n'a rien à lui apprendre ! C'est pour ça qu'il a pu réaliser ce film. A l'origine, la production cherchait un réalisateur, et beaucoup n'osaient pas le faire à cause des effets spéciaux. Il s'est alors proposé. Pitof sait très bien ce qu'il peut faire, il connaît bien les limites du travail des trucages.


Objectif Cinéma : Certains plans sont tournés en 35 mm ?

Emmanuel de Fleury : Du point de vue de l'assurance, nous avions des caméras film pour pouvoir tourner quelque chose si les caméras vidéo tombaient en rade, mais ce n'est pas arrivé. C'est un film 100% tourné en numérique.


Objectif Cinéma : Le numérique est t-il un avantage par rapport à l'argentique (35mm) ?

Emmanuel de Fleury : Le numérique, c'est un avantage et un inconvénient. L'apparition du combo (écran vidéo témoin) était aussi du même ordre, dans le sens ou toute l'équipe maintenant veut voir l'image. Sans combo, seul le réalisateur ou l'opérateur avait le droit de regarder dans l'œilleton de la caméra, et seul leur avis comptait. Là, on a un rendu film, tout le monde est attiré par cet écran - encore plus qu'avec un petit combo - quand on sait qu'il est juste le témoin d'un cadre. Ca peut devenir un inconvénient quand tout le monde veut voir le rendu de son travail ou par simple curiosité. Cela devient un avantage dès lors que les défauts à l'image sont généralement repérés instantanément. Les gens se sentent peut être plus concernés, ce n'est pas plus mal. Les gens de chez Sony et Alga sont venus nous voir, ils voulaient savoir ce qu'on pensait de la caméra et connaître les problèmes de son utilisation. De mon point de vue, il s'agit trop d'une caméra vidéo qu'on a voulu adapter au film que l'inverse. Pas un seul pas de vis ne correspondait à ceux que nous avions. Les accessoires comme les lampes à objectif ou les bras magiques pour fixer un volet nous ont manqué par exemple. Ces accessoires vont certainement arriver petit à petit. Nous avions trois caméras numériques Sony HD "Panavisées". Panavision a donné son accord pour intégrer les accessoires qu'on a l'habitude d'avoir en film : des tiges afin de fixer des vrais pare-soleil de cinéma, un follow focus, un moteur de zoom. Ils ont aussi adapté toute la façade de la caméra pour fixer des objectifs "Primo". Notre ingénieur du son, Brigitte Taillandier, avait des vrais soucis, puisque cette caméra est très bruyante. Elle a voulu faire construire des "blimp" (caisson souple insonore) spéciaux pour la caméra. Mais les tambours de tête tournent avec les ventilateurs, le "blimp" empêche l'air de circuler et chauffe l'intérieur. On a décidé de ne pas en utiliser. Il faudra régler ce problème si la caméra doit être utilisée pour des films à texte, des films d'auteurs. C'était moins important sur Vidocq car il s'agit d'un film d'action. Pour un film intimiste, on n'aurait rien pu faire.


  Vidocq (c) Stéphane Legrand

Objectif Cinéma : Le numérique a changé l'organisation du plateau ?

Emmanuel de Fleury : Pour reprendre l'histoire du signal vidéo, nous ne voulions le dégrader en aucune façon, or nous avions besoin de tout un circuit de câblages vidéo en haute définition spécifiques compliqués avec le moniteur du chef opérateur, un autre plus petit pour la scripte et le réalisateur. Ce moniteur envoie un signal transformé en Pal pour pouvoir enregistrer sur des petites cassettes Hi8. Ensuite, les trois caméras sont câblées ensemble et équilibrée à l'oscilloscope. Cette chaîne était gérée par Sabine Cipolla, notre stagiaire. Autre nouveauté importante : la post production, Dubois et Mac Guff, était présente sur le plateau avec leurs ordinateurs dans lesquels ils intégraient, même pendant les répétitions, certains effets spéciaux. Cette intervention permettait de préparer la phase de post production et rassurer l'équipe et la production. Par exemple, le masque de l'alchimiste devait intégrer le reflet de ce qu'il voit. On filmait le champ, (l'alchimiste) puis un subjectif (ce qu'il voit) pour le "coller" par la suite, car on se reflétait dedans pendant les prises.
Pour le matériel, quand on arrive le matin en film traditionnel avec trois caméras à installer, les machinistes prennent le corps caméra et la mettent directement sur pied, on peut installer les objectifs plus tard. Dans le cas de Vidocq, le calage de l'objectif sur la caméra se fait avec une mire pour caler la distance de l'optique avec le capteur CCD. Il nous fallait une heure minimum pour définir un choix d'objectif, faire l'étalonnage (car d'un objectif à l'autre, la colorimétrie change), réaliser les tirages optiques, et là seulement, on donnait la caméra pour installation. On filme les répétitions au cas où elles seraient bonnes car la bande coûte moins cher que la pellicule, c'est pareil pour les éclairages qui entrent dans le champ : faut t-il les retirer quand on sait qu'ils pourront être effacés en post production ? Il y a une éducation à faire : jusqu'où peut-on aller ? Quand est ce qu'il faut s'arrêter ? D'un point de vue de production, je ne sais pas si ces imprévus ont coûté chers.
Il y a beaucoup de trucages invisibles qui ont été très utiles pour nous. Il m'est arrivé de protéger l'objectif d'un "flair" (reflet parasite), on m'a dit alors : " tout le haut est truqué, tu peux rentrer le drapeau dans le champ." Un tiers l'image était noire. J'ai un peu souffert ! On n'a pas l'habitude de ça en film et ce n'est qu'un exemple.