Objectif Cinéma : Et
Pitof, comment s'est-il adapté au matériel
?
Emmanuel de Fleury : Pitof
est quelqu'un qui maîtrise parfaitement bien la technique,
aussi bien du 35 mm que du numérique, on n'a rien
à lui apprendre ! C'est pour ça qu'il a pu
réaliser ce film. A l'origine, la production cherchait
un réalisateur, et beaucoup n'osaient pas le faire
à cause des effets spéciaux. Il s'est alors
proposé. Pitof sait très bien ce qu'il peut
faire, il connaît bien les limites du travail des
trucages.
Objectif Cinéma :
Certains plans sont tournés
en 35 mm ?
Emmanuel de Fleury : Du
point de vue de l'assurance, nous avions des caméras
film pour pouvoir tourner quelque chose si les caméras
vidéo tombaient en rade, mais ce n'est pas arrivé.
C'est un film 100% tourné en numérique.
Objectif Cinéma :
Le numérique est t-il un
avantage par rapport à l'argentique (35mm) ?
Emmanuel de Fleury : Le
numérique, c'est un avantage et un inconvénient.
L'apparition du combo (écran vidéo témoin)
était aussi du même ordre, dans le sens ou
toute l'équipe maintenant veut voir l'image. Sans
combo, seul le réalisateur ou l'opérateur
avait le droit de regarder dans l'illeton de la caméra,
et seul leur avis comptait. Là, on a un rendu film,
tout le monde est attiré par cet écran - encore
plus qu'avec un petit combo - quand on sait qu'il est juste
le témoin d'un cadre. Ca peut devenir un inconvénient
quand tout le monde veut voir le rendu de son travail ou
par simple curiosité. Cela devient un avantage dès
lors que les défauts à l'image sont généralement
repérés instantanément. Les gens se
sentent peut être plus concernés, ce n'est
pas plus mal. Les gens de chez Sony et Alga sont venus nous
voir, ils voulaient savoir ce qu'on pensait de la caméra
et connaître les problèmes de son utilisation.
De mon point de vue, il s'agit trop d'une caméra
vidéo qu'on a voulu adapter au film que l'inverse.
Pas un seul pas de vis ne correspondait à ceux que
nous avions. Les accessoires comme les lampes à objectif
ou les bras magiques pour fixer un volet nous ont manqué
par exemple. Ces accessoires vont certainement arriver petit
à petit. Nous avions trois caméras numériques
Sony HD "Panavisées". Panavision a donné
son accord pour intégrer les accessoires qu'on a
l'habitude d'avoir en film : des tiges afin de fixer des
vrais pare-soleil de cinéma, un follow focus, un
moteur de zoom. Ils ont aussi adapté toute la façade
de la caméra pour fixer des objectifs "Primo".
Notre ingénieur du son, Brigitte Taillandier, avait
des vrais soucis, puisque cette caméra est très
bruyante. Elle a voulu faire construire des "blimp"
(caisson souple insonore) spéciaux pour la caméra.
Mais les tambours de tête tournent avec les ventilateurs,
le "blimp" empêche l'air de circuler et
chauffe l'intérieur. On a décidé de
ne pas en utiliser. Il faudra régler ce problème
si la caméra doit être utilisée pour
des films à texte, des films d'auteurs. C'était
moins important sur Vidocq car il s'agit d'un film d'action.
Pour un film intimiste, on n'aurait rien pu faire.
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Objectif Cinéma :
Le numérique a changé
l'organisation du plateau ?
Emmanuel de Fleury : Pour
reprendre l'histoire du signal vidéo, nous ne voulions
le dégrader en aucune façon, or nous avions
besoin de tout un circuit de câblages vidéo
en haute définition spécifiques compliqués
avec le moniteur du chef opérateur, un autre plus
petit pour la scripte et le réalisateur. Ce moniteur
envoie un signal transformé en Pal pour pouvoir enregistrer
sur des petites cassettes Hi8. Ensuite, les trois caméras
sont câblées ensemble et équilibrée
à l'oscilloscope. Cette chaîne était
gérée par Sabine Cipolla, notre stagiaire.
Autre nouveauté importante : la post production,
Dubois et Mac Guff, était présente sur le
plateau avec leurs ordinateurs dans lesquels ils intégraient,
même pendant les répétitions, certains
effets spéciaux. Cette intervention permettait de
préparer la phase de post production et rassurer
l'équipe et la production. Par exemple, le masque
de l'alchimiste devait intégrer le reflet de ce qu'il
voit. On filmait le champ, (l'alchimiste) puis un subjectif
(ce qu'il voit) pour le "coller" par la suite,
car on se reflétait dedans pendant les prises.
Pour le matériel, quand on arrive le matin en film
traditionnel avec trois caméras à installer,
les machinistes prennent le corps caméra et la mettent
directement sur pied, on peut installer les objectifs plus
tard. Dans le cas de Vidocq, le calage de l'objectif sur
la caméra se fait avec une mire pour caler la distance
de l'optique avec le capteur CCD. Il nous fallait une heure
minimum pour définir un choix d'objectif, faire l'étalonnage
(car d'un objectif à l'autre, la colorimétrie
change), réaliser les tirages optiques, et là
seulement, on donnait la caméra pour installation.
On filme les répétitions au cas où
elles seraient bonnes car la bande coûte moins cher
que la pellicule, c'est pareil pour les éclairages
qui entrent dans le champ : faut t-il les retirer quand
on sait qu'ils pourront être effacés en post
production ? Il y a une éducation à faire
: jusqu'où peut-on aller ? Quand est ce qu'il faut
s'arrêter ? D'un point de vue de production, je ne
sais pas si ces imprévus ont coûté chers.
Il y a beaucoup de trucages invisibles qui ont été
très utiles pour nous. Il m'est arrivé de
protéger l'objectif d'un "flair" (reflet
parasite), on m'a dit alors : " tout le haut est truqué,
tu peux rentrer le drapeau dans le champ." Un tiers
l'image était noire. J'ai un peu souffert ! On n'a
pas l'habitude de ça en film et ce n'est qu'un exemple.