Objectif Cinéma :
Le découpage du film était-il
story boardé ?
Emmanuel de Fleury : Une
partie du film était illustrée dans un story
board, notamment les scènes de cascades. Pour le
reste, un viseur de champ avec zoom relié à
une caméra numérique servait à Pitof
pour repérer ses cadrages le matin. Il imprimait
ses cadres qui nous servaient de préparation pour
le plan de tournage de la journée. On passait une
heure le matin à faire ce travail, pour obtenir un
story board. A l'école, j'étais un fan du
story board, mais maintenant je me dis que ce n'est pas
possible. Cette préparation peut même bloquer
l'imagination au cas où un plan dessiné ne
pourrait pas se tourner au dernier moment. Arriver sur le
plateau avec un esprit un peu plus lâche et des cadres
moins figés permet de s'adapter aux situations. Je
n'ai jamais tourné un film où on fait exactement
ce qu'on veut.
Objectif Cinéma : Parle-nous
des plans en DV finalement intégrés au montage
final.
Emmanuel de Fleury : Pitof
avait beaucoup de références issues des jeux
vidéo. Il voulait une focale très large tout
du long et il avait prévu en plus des plans tournés
avec des "paluches" (caméras miniatures),
utilisées au bout d'un pistolet par exemple, et trois
caméras DV qui, à sa demande, étaient
employées après une prise pour filmer la même
scène avec des cadrages plus serrés (des inserts
des yeux, de nez.) Je repère les plans tournés
en DV car ils ont du grain par rapport aux plans naturellement
haute définition, mais je ne sais pas si les gens
vont y prêter attention. L'insertion de ces images
DV avait pour but de créer un univers un peu "trash"
et se rapprocher du jeu vidéo.
Objectif Cinéma : Qu'est
ce que tu penses du film après l'avoir découvert
en projection ?
Emmanuel de Fleury : J'ai
beaucoup de mal à être objectif pour avoir
travaillé dessus comme technicien ! J'ai demandé
à ma copine ce qu'elle en pensait. Sa réaction
était plutôt bonne, elle trouvait ça
assez moteur, pas trop le temps de souffler. J'attends la
réaction du public, même pas de mes amis qui
s'intéressent au cinéma. Je sais que certaines
choses ne seront pas appréciées des professionnels.
Ce film ouvre des portes. Il faudrait qu'on les ouvre encore
plus. Et par cette technique, répondre un maximum
aux volontés des réalisateurs.
Objectif Cinéma :
Le numérique peut-il créer
un clivage chez les techniciens caméra ?
Emmanuel de Fleury : Je
pense que je conseillerais de faire les deux. Le numérique
c'est l'avenir, tout le monde le sait. Un jour ou l'autre,
c'est ça qui marchera et qui coûtera moins
cher, mais les possibilités de la caméra numérique
sont encore limitées par rapport à une caméra
35 mm. Pourquoi beaucoup d'opérateurs ont-ils les
cheveux gris ? Parce qu'ils se stressent par rapport au
résultat qu'ils vont avoir une fois que le film sera
développé. Là, d'un seul coup on a
une image devant nous et on sait ce que c'est.
Objectif Cinéma : Quelles
sont les qualités nécessaires à ton
travail ?
Emmanuel de Fleury : Il
faut être rigoureux, réfléchi, anticiper
ce que les personnes veulent et trouver la meilleure méthode
pour apporter satisfaction. De nombreux assistants maîtrisent
la technique : après, c'est de la communication.