Entretien
réalisé à
Tokyo en août 2001
Par Stephen SARRAZIN
Merci à Jennifer Hasae
Olivier Assayas est indéniablement au cur de
ce rapprochement entre les cultures cinématographiques
de l'Asie et celles de l'Ouest. Il fut avec Charles Tesson
à l'origine du numéro hors série des
Cahiers du Cinéma, Made in Hong Kong,
paru au début des années 80. On connait aussi
l'importance qu'il attache au cinéma taïwainais,
et à Hou Hsiao Hsien en particulier, auquel il consacra
un documentaire. Dans sa vie privée, Assayas reste
complice de la Chine aux côtés de son interprète
d'Irma Vep, Maggie Cheung.
En août dernier, c'était
au Japon d'avoir droit aux attentions de ce réalisateur.
A Tokyo pour dix jours, pour le tournage de son prochain
film, Demonlover, Assayas est bien entouré.
Je le retrouve sur le lieu du tournage, une boite dance
/ electro, YELLO, vers Roppongi... Je croise Shinji Aoyama,
qui est là en tant que conseiller sur les rapports
avec l'équipe japonaise. Le rédacteur en chef
des Cahiers Japon, Umemoto-san, est également
présent. Au moment où j'arrive, trois jeunes
femmes sont sur une petite scène, à l'échelle
des tenues qui les couvrent. Elles y croient : aucun sourire,
l'air dur, ou la moue pendant la chorégraphie toujours
légèrement décalée. Les seuls
sourires sont ceux de la meneuse qui à chaque fin
prise, s'excuse d'avoir des soucis avec le haut de son costume.
Assayas tourne autour de la scène, monte l'escalier.
De toute évidence, il y aura un travail de montage
à prévoir... Je n'avais pas eu l'occasion
de me rendre sur un de ses tournages depuis Irma Vep.
Compte tenu de la durée de son passage a Tokyo, je
lui suis reconnaissant d'avoir trouvé le temps pour
cette rencontre.
Objectif Cinéma :C'est
la première fois que vous venez si loin pour un tournage
?
Olivier Assayas :Pas
vraiment, enfin pour une fiction, si. Mais j'étais
à Taiwan pour le tournage du Hou Hsia Hsien.
Objectif Cinéma : Je
ne crois pas que le Japon soit vraiment au cur de votre
scénario.
Olivier Assayas : Non,
enfin, pas le Japon en tant que lui-même, non. Mais
en tant qu'idée abstraite, oui.
Objectif Cinéma :On
peut la concrétiser, cette idée ?
Olivier Assayas : C'est
difficile de le faire sans résumer l'histoire ou grossir
le trait. Le récit tourne beaucoup de l'accélération
des images, de l'argent, et de leurs modes de transmissions,
comment les espaces et les durées en viennent à
se gommer.
Objectif Cinéma :Et dans votre film, ces images qui
circulent, largement sur le net il me semble, sont des images
X, n'est-ce pas ? C'est une mauvaise information ?
Olivier Assayas :(qui
semble moins enthousiaste du coup) Ce n'est pas une mauvaise
information. Disons qu'elle est très fragmentaire (rires).
Il y a des choses de cet ordre-là, mais aussi des éléments
purement graphiques. Mais le récit joue également
sur les idées reçues sur le Japon, les images
x, le manga et le s/m, l'animation...
Objectif Cinéma :Vous connaissiez le documentaire
de Jean Jacques Beineix, réalisé au début
des années 90, Otaku ? A l'époque
je l'avais trouvé détestable et depuis,
il est devenu, selon moi, le guide du routard pour ce
qui intéresse la presse et le public tendance consensus
Tokyo.
Olivier Assayas :Je
ne l'ai pas vu. Mon regard sur le Japon est restreint,
comparé à celui que je porte sur la Chine.
Je suis à l'extérieur, je n'ai pas les mêmes
liens. Ce qui m'intéresse ici, ce sont les arts
plastiques, le graphisme, et le film devrait porter les
traces de cet intérêt. Bien sûr, j'ai
des amis, le cinéma japonais m'intéresse,
mais quant au Japon et Tokyo, c'est la surface que je
regarde.