Objectif Cinéma : En
quoi le travail a été difficile ?
Yann Goven : Et
bien pour faire une image : tu es dans une piscine. Tout
le monde est en maillot et toi tu es le seul à poil.
L'eau est froide et on te met des glaçons juste autour
de toi, parce qu'on cherche à te pousser à
bout. Ce n'est pas fait en violence plutôt à
la paysanne. Cela aurait été fait d'une manière
intello-bourgeoise, je serai parti. Tout seul loin de Paris,
c'était vraiment dur à vivre. Mais je suis
resté parce qu'on était des prédateurs
tous les deux. Et donc forcément, il faut un temps
d'adaptation, mais ça coûte beaucoup d'argent
de prendre du temps au cinéma. Elle ne me faisait
pas confiance au début. Une fois qu'on s'est mis
au travail sur place, elle a remis en question tout ce qu'on
avait répété. De plus, entre homme
et femme, il y a un conflit supplémentaire.
Objectif Cinéma :
Comment se passent les répétitions
avec un réalisateur quand on prépare un film
?
Yann Goven : Avec
Sandrine, c'était très simple. On a été
quasiment un mois dans la maison, dans le décor avec
la petite fille, à vivre ensemble, s'aimer s'il était
possible de s'aimer. Elle a senti qu'il y avait quelque
chose, mais le premier jour du tournage ce fut une autre
paire de manches. Tu es en route mais c'est une machine
à vapeur. Tu es sur les charbons ardents...
Objectif Cinéma :
Et tu n'as donc pas plus abordé
d'une manière spécifique ce rôle là
que celui d'Orso ?
Yann Goven : C'est
ce que m'ont dit quelques copains: " quelle chance
tu as d'avoir obtenu des rôles pareils ! " Je
me suis battu pour les avoir. Pour moi, ne pas me prostituer
demeure l'essentiel, rester tel qu'on est, finit toujours
par payer, car un jour on rencontre un réalisateur
qui est dans le même état d'esprit. C'est un
travail qu'on a conjointement porté avec Sandrine
: l'histoire qu'elle voulait raconter, je voulais la raconter
aussi. Je voulais être l'ouvrier de ce travail là,
tout en restant moi. On peut alors donner encore plus de
noblesse à une histoire, à des sentiments
et donc forcément à un support artistique.
C'est là qu'on en prend pour dix ans, c'est ce qui
s'est passé pour le film de Sandrine, et j'espère
que contrairement au film d'Orso, ces dix ans seront de
belles rides. C'est dommage pour Orso.
Objectif Cinéma :
Les personnages que tu as joué te sont-ils très
proches ? Existe-t-il une véritable identification
?
Yann Goven : Oui,
je me sentais très proche du personnage. Mais je
me sens en phase avec tout personnage défendable.
C'est un critère pour jouer un rôle, car avant
ça, quand j'ai rencontré cet agent, j'ai refusé
beaucoup de rôles. Notamment à la télé,
parce que je me disais que je ne suis pas venu jusqu'ici
pour jouer ça. Je me sentais déjà mal
avant même de penser à jouer ces personnages.
Ca serait forcer les choses. Là j'ai un projet magnifique,
mais le personnage est très dur. Et je me dis que
jamais je ne pourrais jouer ce rôle, mais je trouve
ça tellement beau que je vais tout de même
essayer. Ca dépendra de l'alchimie entre le réalisateur
et moi. Mais dans l'absolu, je ne veux pas me prostituer.
L'acteur doit faire son métier, mais j'aime trop
les belles choses pour faire un truand minable qui ferait
un truc qui me dégoûte. Je veux faire de belles
choses, pas juste tourner dans un film. Il faut faire attention
à ce qu'on fait.