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David Lynch (c) Roland Kermarec
Objectif Cinéma : Le tournage a commencé quelques jours après...

Roland Kermarec : Oui. Je n'avais donc pas trop de référents en matière de tournage. Je n'avais assisté qu'à un seul tournage à Brest, celui d'un téléfilm qui n'a jamais été diffusé ! Il régnait sur le plateau une ambiance étrange parce que le tournage se passait dans la même rue que celle où David habitait : il avait acheté la maison voisine de la sienne qu'il avait transformé pour en faire la "Madison House" du film. Tous les jours pendant une semaine et demie, il me suffisait de traverser la rue pour être sur le plateau de tournage.

La maison restait ouverte, à l'arrière, jour et nuit avec le matériel à l'intérieur. Toutes les rues sont ponctuées de panneaux "attention, en garde" mais tout restait ouvert constamment ! Après chaque journée de travail, je continuais à me balader dans le décor du film. Après la journée de tournage du meurtre de Renée par Fred Madison, je n'ai pas pu demeurer très longtemps dans la chambre : le corps en latex était couché par terre, et, même si les viscères d'animaux avaient été retirés pour la nuit, une odeur étrange persistait , et me trouver seul dans cette pièce m'a donné le sentiment durant un éclair de seconde d'être à l'intérieur même du film.

De la même façon, un autre jour, je suis entré dans le décor de la salle de bain des Madison juste après le tournage d'une scène et j'ai eu l'étrange impression de pénétrer littéralement dans l'image, un peu comme quand j'étudiais plan par plan les séquences d'Elephant Man pour tenter de découvrir des choses "signifiantes", un objet quelconque posé sur une table, une image accrochée au mur.
Si le "crew call" (appel de l'équipe) avait lieu à huit heures du matin, le rangement avait lieu à huit heures le soir. Aux Etats-Unis, la législation est très stricte : pour des questions d'assurance, personne ne peut se trouver sur un plateau de cinéma sans rien faire. J'étais donc censé être un assistant stagiaire au début, et j'aurais normalement dû me retrouver en bas de la rue avec un talkie-walkie pour empêcher les voitures d'arriver. Evidemment, je n'aurais alors rien vu du tournage. Les deux premiers jours, j'étais quand même sur le plateau, mais l'assistant réalisateur, John Cameron, ne me demandait pas quoi que ce soit. Comme j'avais un peu de scrupules, j'ai demandé à David si ça ne l'embêtait pas que je reste là sans occupation véritable. Il m'a alors répondu "Tu restes là et tu écris ta thèse !"


  Bill Pullman & Roland Kermarec (c) Roland Kermarec

Objectif Cinéma : Tu écrivais sur tes cahiers tout ce que tu voyais, tout ce qui se passait...

Roland Kermarec : Oui. Absolument tous les plans, toutes les prises, tout ce qui pouvait y avoir de différent d'une prise à l'autre. Comme il me semblait évident que je n'allais pas tout retenir, je retranscrivais un maximum ce que je voyais. Dès les premiers jours de tournage, j'ai aussi demandé si je pouvais filmer ce que je voulais avec mon camescope. David m'a d'abord simplement demandé si mon camescope était silencieux, puis il m'a dit que ça ne posait pas de problèmes. Ce qui est ahurissant quand on pense à la paranoïa de Lynch vis-à-vis des médias et plus précisément quant au secret qui entourait le tournage du film. Il m'a simplement fait signer un papier qui interdisait toute exploitation commerciale de ces images avant la sortie du film. Ce que je n'ai d'ailleurs toujours pas fait, parce que ça tient vraiment pour moi du journal intime vidéo.


Objectif Cinéma : Tu as combien d'heures de rushes ?

Roland Kermarec : Entre dix et quinze heures de scènes du tournage. Notamment celles qui ne figurent pas dans le montage définitif, et qui sont donc pour moi très précieuses.