Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Jack Nance & Roland Kermarec (c) D.R.
Objectif Cinéma : Comment ta présence sur le plateau était ressentie par les techniciens et les acteurs ?

Roland Kermarec : Quand Philippe Garnier de "Libération" m'a rencontré pour un article, il trouvait étrange que je n'aie pas de problèmes avec les techniciens, que l'ambiance soit plutôt détendue. Pour moi qui n'avais pas beaucoup été sur des tournages de film , c'était normal, mais pour lui c'était plutôt stupéfiant ! J'ai toujours eu d'assez bons rapports avec les techniciens, sauf quelques problèmes de langue parce que certains avaient un accent américain assez prononcé, contrairement à Lynch qui est si facile à comprendre. Je me suis vraiment bien intégré : j'étais "le petit frenchman". A aucun moment personne ne m'a reproché d'être là comme simple observateur. Je leur posais souvent des questions techniques et ils me répondaient toujours volontiers.


Objectif Cinéma : Tu dialoguais aussi avec les comédiens ?

Roland Kermarec : J'étais plus timide avec eux. Je n'ai pas vraiment parlé avec Patricia Arquette, qui gardait un peu ses distances, même si elle semblait finalement assez simple et sympathique. Mais Bill Pullman est venu me voir assez souvent, et il avait une blague favorite à mon sujet, à propos d'un petit tabouret que je ne quittais guère pour écrire et sur lequel il disait tenir à me voir tout au long de la journée.

Par la suite, j'ai eu de longues discussions avec Jack Nance qui est venu quelques jours sur le tournage, pour un petit rôle dans le "Arnie's Garage" où travaille le personnage interprété par Balthazar Getty. C'était quand même l'acteur favori de Lynch, qui a joué dans tous ses films à l'exception de Elephant Man ! Cela a constitué un des moments les plus émouvants du tournage. Alors que j'étais d'abord allé vers lui pour l'interviewer, c'est lui qui ensuite venait vers moi, et on allait parler dans sa loge ou pendant qu'il était au maquillage. En une heure, je devais lui poser deux trois questions, et après il ne s'arrêtait pas de parler et de raconter des anecdotes parfois amusantes et parfois tragiques. J'ai appris sa mort peu après la fin du tournage. Il s'était fait agresser dans la rue par des voyous pour une histoire assez sordide.


  Lost Highway (c) D.R.

Objectif Cinéma : Le tournage de Lost Highway s'est déroulé quand exactement ?

Roland Kermarec : Il a débuté dans les derniers jours de novembre 1995 et s'est terminé les tous premiers jours de mars 1996.


Objectif Cinéma : Et tu es donc resté pendant sur le plateau pendant l'intégralité du tournage...

Roland Kermarec : Oui. Sauf les scènes avec Marilyn Manson et les deux filles (le "porno shoot" comme disait Lynch), qui ont été tournées avant mon arrivée. De toute façon je ne pense pas que j'aurais pu y assister !


Objectif Cinéma : Qu'est-ce qui t'a le plus surpris dans ton approche plus directe, plus pratique, de la mise en scène de Lynch ?

Roland Kermarec : Il y a eu un moment euphorique dans la séquence du rêve qui se passait dans la Madison House. Au départ, dans cette scène, on voyait simplement Fred Madison (Bill Pullman) marcher dans le salon. C'est ce qui était écrit dans le scénario. Il y a d'abord eu la mise en place d'un travelling arrière qui accompagnait le mouvement du personnage. Puis j'ai vu Lynch transformer cette scène de minute en minute. J'ai vu naître en lui les idées de mise en scène comme des bulles qui apparaissent... Il a d'abord ajouté de la fumée qui montait des escaliers puis a filmé la scène au ralenti, en mettant comme d'habitude la musique de Rammstein à fond la caisse sur le plateau, ce qui mettait une ambiance étonnante et donnait de l'énergie à toute l'équipe.