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  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Un des éléments qui lie Storytelling à Happiness est la famille, qui dans les deux films centralise toutes les névroses. On peut remarquer que lorsqu'une multiplicité de personnages est présente dans une scène, la discussion aboutit très souvent au conflit. Alors que les face-à-face sont une ébauche d'échange, avec une méchanceté sous-jacente et palpable (on se rappelle les relations entre sœurs de Happiness). Diriez-vous que vos films essaient de capter le moment de silence qui précède l'explosion ?

Todd Solondz : C'est une brillante analyse, mais je n'ai pas cette espèce de conscience de mon œuvre au moment même où je la crée. Je travaille d'une manière beaucoup plus instinctive en essayant simplement de mettre en scène une histoire... Pour moi, le processus d'écriture est avant tout plus créatif qu'intellectuel. Je pense qu'on arrive à rien si on a une conscience trop poussée de son œuvre. Les choses viennent de quelque part en soi-même et ce n'est qu'après coup que l'on peut s'interroger sur leurs source et signification. Je découvre le sens profond de ce que j'exprime en même temps que je l'exprime et lui donne forme. Les gens me font remarquer des choses sur les films dont je n'ai pas pleinement conscience. Il faut laisser reposer et seulement après regarder en arrière.


Objectif Cinéma : Certaines choses paraissent pourtant très maîtrisées, notamment le son et les lieux. L'immeuble où vit le personnage interprété par Philip Seymour-Hoffman dans Happiness est fait de longs couloirs et d'ascenseurs emplis de sons étouffés : une sorte d'endroit fermé, lieu de névroses, littéralement un lieu-cerveau !

Todd Solondz : Le fait que le son ait cette qualité particulière n'est pas le fruit du hasard et c'est un élément sur lequel nous avons travaillé. Je voulais créer cet effet de vide, de creux, par l'intermédiaire d'un jeu sur les échos mais je n'avais pas ce genre de visée métaphorique. Quant à l'appartement, je ne voulais pas qu'il soit typiquement urbain.


Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Cette idée de coquille vide est relayée par les corps de Seymour-Hoffman et de sa voisine, en quelque sorte prisonniers de leurs massives enveloppes corporelles. Un poids qui les contraint chacun à une vie relativement dépeuplée. Chez vous, ce qui est gros cache souvent un vide.

Todd Solondz : Tout cela est très triste (rires représentatifs de l'œuvre de Solondz) et serait insupportable sans un peu d'humour. L'aspect comique est inséparable du reste. J'ai vu un film intéressant au festival de Venise : Dog Days. J'ai entendu dire que Nanni Moretti était sorti de la salle au bout de dix minutes, mais le film a obtenu un prix. Le réalisateur est intéressé par notre profonde bestialité, un thème qui me fascine également.