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PREMIERS FILMS

Au départ, je ne voulais pas être réalisateur, je ne savais même pas que ça existait ! Je voulais m'employer, être projectionniste, cameraman, j'ai animé des ciné-clubs… La famille de ma mère est pied-noir, issue d'agriculteurs au Maroc, et mon grand-père faisait des films 8 mm. Je n'ai pas connu le Maroc, j'y suis allé une fois quand j'avais huit ans, mais je n'y suis pas né, je suis arrivé juste après la guerre d'Algérie…Tout ce que j'ai su du passé de ma famille, de ce paradis perdu au Maroc, c'était par les films de mon grand-père. C'était quelque chose de très fondateur psychanalitiquement, ça impressionne un gamin de voir les images d'un monde à la fois récent et antérieur qu'il ne connaît pas, où figurent des gens également inconnus. Je suis né avec des souvenirs.

Objectif Cinéma (c) D.R.

On pratiquait le cinéma super 8 comme dans beaucoup d'autres familles dans les années 70 ; je montais les films, les collais, puis ensuite, j'ai découvert les vrais grands films de cinéma : je pratiquais l'un et je voyais l'autre, et à un moment donné, j'ai fait la fusion. J'aimerais d'ailleurs rester dans le cinéma familial tout en faisant des films aussi beaux que ceux que je voyais au ciné-club du lycée. Rester dans l'ordinaire et le coutumier domestique, tout en pensant à la beauté absolue, la forme parfaite. L'idéal est véritablement de mêler les deux. Des cinéastes y arrivent parfaitement. Ozu par exemple, qui a tiré de la vie domestique dans les petites maisons de Tokyo, de très grandes œuvres, presque des œuvres " de musée ".

Les premiers films vus au ciné-club, je ne les aimais pas, ou plutôt je ne les comprenais pas. Je voyais juste que cela me procurait un étonnement total. Un peu comme les Américains avec les attentats : ils ont découvert que le reste du monde existait. C'était pareil. Et le reste du monde, ce n'était pas seulement géographiquement. J'avais aussi une vision assez formelle des films, je les trouvais extrêmement beaux et surprenants, sans pour autant les comprendre. Cela me faisait même presque peur, je me rendais compte que j'étais en fait un ignorant, un sourd et un imbécile, j'étais fasciné comme un innocent. Jusqu'à l'âge de 14 ans, je suis allé peut-être trois ou quatre fois au cinéma. C'était comme si on ouvrait les fenêtres tout d'un coup ! Et puis après tu apprivoises l'étonnement, le saisissement, la peur. Tout devient différent.


FEMIS

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Je ne voulais pas vraiment faire de cinéma, en tout cas je ne me le serais jamais avoué, je voulais simplement choisir ma vie, je ne savais pas comment. Vers 18 ans, je me suis dit que c'était cela qui me plaisait vraiment, même si c'était complètement fou et irrationnel, vu ma situation géographique et sociale à l'époque. À peine sorti de l'enfance je me retrouvais tout seul. J'ai essayé de faire des films en super 8, et puis j'ai fait des études, parce que j'avais une certaine curiosité intellectuelle, l'envie de tout savoir… Un jour, j'ai rencontré Jean Douchet à La Rochelle qui venait présenter des films de Rohmer. Je lui ai demandé ce qu'il fallait que je fasse. Il m'a répondu que pour des types comme moi, passionnés de cinéma et habitant loin de Paris, il fallait que je tente le concours de la Fémis.