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Mehdi Belhaj Kacem (c) Julien Oberlander
Objectif Cinéma : Mehdi, comment as-tu participé à ce projet, toi qui es avant tout un écrivain et une figure de la philosophie contemporaine ?

Mehdi Belhaj Kacem : Quand Carax a refusé le rôle, Philippe a rencontré d'autres acteurs…

Julia Faure : Ce n'est pas tout à fait comme cela que ça s'est déroulé. Caroline, la femme de Philippe, a été séduite par la prestance de Mehdi suite à une photographie parue dans Libération. Elle était convaincue qu'il devait être François : le rôle principal de Sauvage Innocence. Au lieu de le proposer directement à Philippe, elle a laissé traîner la photo sur le frigidaire et dès que Philippe l'a vu, il lui a demandé qui était ce type en ajoutant : il faut que ce soit lui, absolument !

Mehdi Belhaj Kacem : Philippe disait, j'ai trouvé Julia, et Caroline a trouvé Mehdi, il y avait une espèce de… un côté, comment dire ! hum, hum…(rires)


Objectif Cinéma : Mehdi, pour toi qui n'est pas acteur de formation, était-il difficile de répondre aux attentes de Garrel ?

Mehdi Belhaj Kacem : J'ai appris sur le tas. Professionnellement, ce n'était pas difficile. Ce qui était dur, c'était de se centrer sur le mélange de l'humain et du professionnel. Je n'ai pas eu peur de la caméra, mais les rapports humains m'ont rendu fou par moments : trois, quatre fois, j'ai voulu quitter le tournage de façon peut-être très naïve, très sauvage si je peux me permettre.
Maintenant que je sais de quoi il retourne, j'éviterai les pièges psychologiques, la naïveté qui m'a conduit par moments à une certaine forme de panique issue avant toute chose de raisons humaines. La caméra, elle, était une épreuve, dans le sens où il s'agit évidemment d'autre chose que l'écriture. Se retrouver en situation avec son vrai corps m'a passionné.


  Mehdi Belhaj Kacem (c) Julien Oberlander

Objectif Cinéma : Comptes-tu te tourner vers une carrière d'acteur ?

Mehdi Belhaj Kacem : Cela va se faire…


Objectif Cinéma : Y a-t-il des correspondances entre ton travail d'écrivain et ta performance d'acteur ?

Mehdi Belhaj Kacem : Non, pas à proprement parler, mais j'avoue que de s'incarner, comme purent le faire, Antonin Artaud ou William Burroughs, est quelque chose qui m'a intéressé. Ceci dit, une des grandes frustrations humaines sur le tournage, fût d'incarner un réalisateur sans pouvoir capter Julia par moi même. Ce que j'aurais essayé de capter de Julia aurait sans doute été très proche des Hautes solitudes, notamment dans tout ce qui se passe dans son visage. En tournant avec Julia, il m'est arrivé de penser à Jean Seberg. Dans la sphère Garrelienne, c'est à elle qu'elle me fait penser. En fait je poussais aussi Philippe, je lui disais : " filme plus Julia ". Il y avait quelque chose de sacrifié. À différents moments du tournage, on a évoqué la manière dont Bergman filmait les visages.
Dans toute œuvre d'art, il y a toujours l'œuvre accomplie, et tous les films virtuels qui entourent le film réalisé. Là, il y a plusieurs films inachevés.
En somme, j'ai ressenti une plénitude en tant qu'acteur car il se suffit à lui même, mais une frustration en tant qu'acteur incarnant un réalisateur. Je suis très content de cette expérience d'acteur, et je ne porte aucun ressentiment envers Philippe, mais j'aurais voulu pouvoir influer sur le filmage. D'autant plus que lorsque j'avais des scènes derrière la caméra où je pouvais peut-être quelque peu infléchir sur le filmage, c'était très dur. Il y a un moment où on y croit : c'est moi le réalisateur, mais ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de complicité possible avec Philippe, à moins de pratiquer la télépathie…


Objectif Cinéma : Souhaiterais-tu te tourner vers la réalisation ?

Mehdi Belhaj Kacem : C'est le seul truc qui manque au " multi-talentueux " Mehdi Belhaj Kacem ! ( rires). Il y a bien d'autres domaines artistiques où je pourrais sévir, mais c'est le seul à réellement m'intéresser.