Objectif Cinéma : Ceci
dit, contrairement à la majorité de ses films
résolument tournés vers l'objet féminin,
tu as indéniablement exercé une certaine fascination
sur lui.
Mehdi Belhaj Kacem : Quand
on était dans la voiture, Philippe me disait qu'en
fait, il était pédéraste. (rires) Oui
mais attention, la chronologie du tournage ressemble aussi
à la chronologie de nos rapports. Les deux premiers
tiers du film se déroulent sous cette optique puis,
assez logiquement, je l'ai exaspéré, lassé
à force de lui dire de filmer Julia.
Julia Faure : Quand
tu voulais quitter le tournage tu avais quoi en tête ?
Mehdi Belhaj Kacem : Joker !
Objectif Cinéma : L'un
des plus beaux moments du film est sans doute lorsqu'une
confusion intervient entre le film qui s'offre à
voir et le film entre vous
Julia Faure : Dès
le premier plan, après cela évolue avec nos
personnages et notre histoire. Cette confusion n'est pas
plus forte au fur et à mesure que l'on entre dans
le film, et qu'elle se fait palpable.
Objectif Cinéma : Comment
cela se ressentait ?
Julia Faure : La
confusion était plus palpable à l'écran,
elle devenait au contraire beaucoup moins explicite entre
nous, et inversement. En cela, la première partie
n'est pas du tout révélatrice de la relation
humaine que l'on vivait. C'était assez brouillé :
lorsqu'on exhibait nos sentiments dans la vie, ils étaient
plus inhibés dans le film, et lorsqu'on était
prisonniers des sentiments passionnels, tout était
plus contenu. On cherchait une porte de sortie dans la deuxième
partie, en quelque sorte.
Objectif Cinéma : Les
médias ont très tôt évoqué
un tournage chaotique, qu'en était-il réellement ?
Julia Faure : C'est
vrai. La première chose que je me suis dite à
la fin de la première journée, c'est :
" comment se fait-il que l'on soit tous vivants,
qu'il n'y ait encore personne à l'hôpital ? "
Mehdi Belhaj Kacem : Encore
que
Il y a des personnes qui y ont été,
d'autres qui se sont évanouis. Tout ça n'est
pas encore évacué mais ce n'est plus qu'une
question de semaines. Le film est fait, mais humainement
ce n'est pas du passé. Cette tension, c'est nous
qui l'avons amené humainement. Pour retrouver quelque
chose de similaire, il faut remonter à Elle a
passé tant d'heures sous les sunlights. Et puis
ce n'est pas un hasard, Philippe n'est pas innocent.
Julia Faure : Philippe
savait très bien que dès qu'y avait une caméra,
je devenais un peu barge
Objectif Cinéma : N'y
a-t-il pas une part de perversité chez Garrel, du
moins une manipulation sous jacente dans son dispositif ?
Julia Faure : On
savait ce qu'étaient ses films, on savait que les
personnages s'organiseraient autours de nos vies, de nos
sentiments. Avant même de rencontrer Mehdi, je savais
que cela se passerait comme ça. Et puis Lucie me
ressemble énormément.
Objectif Cinéma : Au
vue de ton background et de l'implication que revêtait
le rôle, n'as-tu pas eu peur de te perdre ?
Mehdi Belhaj Kacem : Philippe
était à moitié fou, il n'est pas ressorti
indemne, il se projetait en nous à tel point qu'il
avait parfois des moment de prostration, d'autres où
il parlait tout seul, et cela pouvait durer des heures.
Il voyait aussi des flics partout...
Julia Faure : D'ailleurs,
il n'a pas été à la projection à
Venise parce qu'il avait dit : " si je
croise un flic dans la journée, je n'irais pas "
Evidemment, il a rencontré un flic