Mehdi Belhaj Kacem : L'autre
jour, à l'avant première, je me suis assis
et j'ai failli me brûler sous un sunlight ! j'étais
quelque peu éméché et Philippe a fait
un malaise juste avant de venir. C'est pour ça qu'il
ne donne pas d'interviews. Il a vraiment mis de sa personne
dans ce film.
Julia Faure : En
même temps, il n'y a jamais eu d'esprit de groupe
avec l'équipe technique. Chacun travaillait pour
soi.
Mehdi Belhaj Kacem : C'était
vraiment Les Enfants Désaccordés
C'est aussi exactement comme un groupe de rock. Le tournage
était plus proche de Peyel ou de Einsturzend Neubauten.
Ce n'est pas la batterie, la ligne de basse, le solo de
guitare et puis ça tourne
Objectif Cinéma : Les
rapports étaient à géométrie
variable
Mehdi Belhaj Kacem : C'est
un mot faible.
Julia Faure : Personnellement,
j'ai quand même été mise au " ban ".
À un moment, plus personne ne me parlait, ni toi,
ni Philippe, enfin plus personne.
Mehdi Belhaj Kacem : Je
n'avais qu'un désir, c'était de te parler.
Julia Faure : Il
fallait voir comment tu avais envie de me parler. C'est
toi qui voulais quitter le tournage tous les 4 jours, et
c'est pourtant vers toi que tout le monde se tournait
Mehdi Belhaj Kacem : Mais
non
Je l'ai fait 3 fois !
Julia Faure : 2
fois avant le tournage, une fois à la fin de la première
semaine, une fois le matin de la scène au miroir
avec le chat, une fois lors du week-end à Amsterdam,
et puis le dernier jour on t'a cherché partout, on
a cru qu'on allait pas finir le film..
Mehdi Belhaj Kacem : Mais
oui
Je ne suis pas le seul à faire ça,
il ne faut pas exagérer.
Objectif Cinéma : Après
un tel investissement, comment vivez-vous le fait que le
film ne sorte que dans une salle ? Vous êtes
obligés de monter au créneau, et puis de ton
côté, Mehdi, tu subis une double exposition
avec la sortie d'Essence n de l'amour
Julia Faure : C'est
avant tout frustrant pour le film. Elle a passé tant
d'heures sous les sunlights
a été aussi
dur à faire que celui-là, mais le contexte
est différent car Philippe s'est délibérément
dirigé vers quelque chose de narratif, qui s'avère
magnifique. Et ce n'est qu'en raison d'une conjoncture de
faux hasards qu'il ne sort que dans une salle. Ce n'est
pas normal, pas cohérent avec le film
Ce n'est
pas un film destiné à une sortie confidentielle.
Mehdi Belhaj Kacem : Il
aurait dû mieux marcher que Le vent de la nuit.
Objectif Cinéma :
Le film n'est pas encore sorti,
il peut connaître un parcours culte
Mehdi Belhaj Kacem : Je
pense que c'est ce qui va se passer. On a mis le paquet
niveau médiatisation. Plus que nous, ce n'est pas
possible.
Julia Faure : On
a pas besoin de défendre le film. J'ai lu une critique
sur le film qui dit n'importe quoi sur mon personnage, ça
me rend malade ! Alors si les gens ne comprennent pas
Je préfère parler du travail, de l'histoire
du tournage.
Mehdi Belhaj Kacem : Philippe
connaît un traumatisme lié au suicide de Jean
Eustache. Une des raisons de ce suicide est le plantage
de Mes petites amoureuses. Garrel a une névrose
liée à cela. Il a tout de même vu Gaumont
sortir Mes petites amoureuses dans la salle des Champs
Elysées, et se planter avec trois clampins. Le film
a disparu au bout d'une semaine, et quand Eustache l'a su,
il s'est tiré une balle dans la tête... En
dernière page de Libération, il y a
eu un portrait de moi et les gens ont cru que j'étais
ontologiquement suicidaire. Alors que chez Garrel, il y
a un truc suicidaire dans son cinéma. Il ne s'est
jamais suicidé et ne se suicidera pas car il en parle,
tandis que chez Eustache, cela se voulait plus léger,
et à l'arrivée, c'est Eustache qui se suicide.