Objectif Cinéma
: N'y avait-il pas eu une
aventure similaire pour In the Mood for Love l'année
précédente ?
Gilles Ciment :
Encore plus in extremis : le film de Wong Kar-wai était
monté, mais pas mixé ! Cependant, le problème
était moindre puisqu'on avait commencé à
le vendre au festival de Berlin alors que le tournage était
loi d'être terminé. On avait montré
aux distributeurs étrangers un montage de trois minutes
qui est aujourd'hui présent dans le DVD. À
Cannes, on a fait le reste des ventes pendant les dix jours
qui ont précédé la projection, sur
la base de trois petites bandes-annonces que WKW avait montées
un mois plus tôt, alors qu'il était encore
en plein tournage. D'ailleurs, il tournait encore des plans
alors que le festival était commencé ! C'était
un risque pour les acheteurs, mais c'est une pratique courante.
Peut-être d'ailleurs n'auraient-ils pas pris ce risque
en voyant le film entier. Pourtant, à l'arrivée,
ils sont contents parce que le film a marché partout,
même si c'est dans une moindre mesure qu'en France.
Objectif Cinéma
: Pouvez-vous nous décrire
la structure à laquelle vous appartenez ?
Gilles Ciment
: C'est très simple. Paradis Films est une société
de production. Paradis Distribution est une société
qui achète et gère des droits. Elle les vend
à des chaînes de télé, les confie
à Océan Films Distribution pour l'exploitation
en salles en France, mais les garde pour l'édition
vidéo, dont la distribution est confiée TF1
vidéo depuis In the Mood for Love. Océan
appartient pour moitié à Paradis Films, l'autre
moitié étant détenue par Orly Films.
L'ensemble forme un petit groupe indépendant qui
fonctionne en bonne entente, Orly Films et Paradis Films
joigant d'ailleurs souvent leurs efforts pour des coproductions,
comme sur lesdeux filmsdont nous parlons, In the Mood
for Love et Millennium Mambo.
Objectif Cinéma
: Pour ce qui est des coproductions,
avec qui fonctionnez-vous à l'étranger ?
Gilles Ciment :
En ce qui concerne Millennium Mambo, il y avait bien
sûr 3H Productions, la compagnie de Hou Hsiao-hsien
qui porte ses initiales, et une quatrième entité
: SinoMovie.com. C'est en fait un site internet consacré
au cinéma taiwanais et chinois en général,
dont HHH est président et qui est dirigé par
la directrice artistique des films de HHH, également
co-productrice exécutive de Millennium Mambo.
Pour ces différentes structures, les impératifs
diffèrent en même temps que les enjeux. Nous
avons financé le film en laissant à 3H la
totalité des droits sur Taiwan, Hong Kong et la Chine.
Le film est sorti à Taiwan il y a peu et peine à
trouver son public.. Cela dit, HHH est réputé
dans son pays, il est un peu le père du cinéma
taiwanais, mais il ne fait traditionnellement que peu d'entrées,
à la manière de Wong Kar-wai à Hong
Kong. Nul n'est prophète en son pays
Objectif Cinéma
: Wong Kar-wai et Hou Hsiao-hsien
s'apprécient-ils ?
Gilles Ciment :
Beaucoup. Ce qui n'est pas si courant dans le monde des
cinéastes asiatiques
HHH est souvent cité
par WKW comme son cinéaste préféré.
Ils communiquent entre eux, se conseillent sur les acteurs,
partagent le même chef opérateur (Mark Lee
Ping-bing), le même ingénieur du son (Tu Duu-chih)...
et désormais les mêmes partenaires français
!
Objectif Cinéma
: Wong Kar-wai, pour son
prochain film, collabore avec Eric Gautier à la photo.
Comment s'est faite la rencontre ?
Gilles Ciment :
Tout simplement par le biais de Maggie Cheung. Gautier est
le chef-op d'Olivier Assayas, qui a les liens que l'on sait
avec Maggie. Ce n'est pas plus compliquée que ça.
De plus, WKW voulait déjà travailler avec
Eric sur des court métrages ou des publicités,
mais ils ne parvenaient pas à concilier leurs agendas.
Rien ne dit d'ailleurs que ce sera possible cette fois encore
Sur 2046, le fait de pouvoir compter sur un chef
opérateur de langue française serait rassurant.
La période de post-production en serait simplifiée.
D'autant plus qu'elle devrait se dérouler en France...
Objectif Cinéma
: Serez-vous prêts
pour Cannes ?
Gilles Ciment
: Cannes 2046 ? On ne peut jurer de rien après
l'odyssée In the Mood for Love. Tant que nous
n'aurons pas le clap de fin de 2046, nous ne ferons
aucun projet...