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2046 (c) D.R.
Objectif Cinéma : Que s'est-il exactement passé dans cette odyssée ?

Gilles Ciment : Wong Kar-wai a tout simplement écrit son film au fur et à mesure du tournage ! Il a creusé des sillons, parfois profonds, se terminant en impasse, il est revenu en arrière, reparti, etc. Pour lui, la création vient de l'accident ou de l'enchaînement. Il part avec trois histoires pour un même film, en laisse tomber deux qu'il reprendra peut-être pour les traiter sur un autre projet, etc. C'est un tournage en perpétuelle recherche de lui-même. Si l'on ajoute que durant le tournage de In the Mood for Love, WKW a tourné des images de 2046 à Bangkok, on s'étonnera moins encore.


Objectif Cinéma : Allez-vous partir assister au reste du tournage ?

Gilles Ciment : A l'heure où je vous parle, Eric Heumann est sur place, à Shanghai, où WKW prépare ses décors. D'ici peu, ils vont s'installer dans un désert froid du nord de la Chine pour des repérages. Mais nous ne savons pas encore exactement quand commencera le tournage. Le film se passe en 2046 dans une station nommée 2046. On est loin de In the Mood for Love… Il y aura plus de personnages, des effets spéciaux… Casting plus important, contraintes techniques, donc logistique plus compliquée, nécessitant pour WKW une organisation plus méticuleuse, laissant moins de place à l'improvisation. Ce qui explique le temps pris par la préparation.


  Millenium Mambo (c) D.R.

Objectif Cinéma : Quelle stratégie de distribution pour vos films ?

Gilles Ciment : Ça dépend du succès qu'ils peuvent rencontrer. Millennium Mambo est un film difficile et ne sera pas un " gros " succès, même s'il se dirige vers les 125 000 entrées dont moitié à Paris. Mais on a une très bonne moyenne par copie. La stratégie était de le sortir sur peu d'écrans (9 à Paris, 30 sur la France) pour optimiser les résultats de chaque salle. Si vous ne maîtrisez pas le nombre de copies, votre film peut se retrouver en queue de peloton d'un cinéma. C'est lui qui sautera quand un nouveau film devra entrer... En sortant plus " serré ", on vise une carrière plus longue et l'on espère un bon bouche-à-oreille. Pour Millennium Mambo, l'écart entre les journalistes dithyrambiques et une moitié du public conquise, d'une part, et le reste du public restant perplexe, d'autre part, crée une étrange curiosité. Les spectateurs veulent juger par eux-mêmes, quoi qu'il arrive. Donc même partagé, le bouche-à-oreille est dans ce cas une bonne exposition... Le film s'est très bien maintenu en deuxième semaine. Dépasser les 100 000 entrées devrait nous permettre de le vendre à Canal +. On le vendra peut-être encore à quelques pays étrangers. Pour l'instant, si le sud de l'Europe (Italie, Espagne) l'ont acheté, le nord (hormis la Belgique) est réticent. Produire de tels films relève de l'équilibrisme, et il faut saluer l'audace de producteurs comme Eric Heumann qui s'engagent dans ce genre d'entreprise.


Objectif Cinéma : Vous n'avez jamais de pré-achat sur vos projets ?

Gilles Ciment : Non, jamais. Produire des films à Taiwan ou à Hong Kong, signifie pas d'agrément, pas de fonds de soutien, pas d'avance sur recettes, pas d'Eurimages... Pas non plus de pré-achat de chaînes, parce qu'elles ont des quotas de films français ou européens, et remplissent le reste de leur grille avec des films américains... Mis à part Arte, aucune chaîne française ne diffuse de films asiatiques régulièrement. Surtout s'ils sont récents.


Les démons à ma porte (c) D.R.

Objectif Cinéma : Préférez-vous suivre un cinéaste installé ou découvrir un jeune talent ?

Gilles Ciment : Si je pouvais ainsi suivre Hou Hsiao-hsien et Wong Kar-wai toute ma vie et toute leur carrière, cela me suffirait amplement. Mais découvrir des jeunes talents est un plaisir certain. Nous avons plusieurs projets en développement... Il n'y a pas de règles, mais des hasards de rencontre. Avec un sujet ou un auteur. Il y a aussi des envies de producteur. Mais sachant ce que représente de tisser des liens avec un auteur comme Wong Kar-wai, je regretterais beaucoup de ne pas continuer. La relation se fait sur la durée, c'est assez long. On se comprend très bien, très vite, il y a une vraie complicité, qui s'est nourrie du travail sur le film, mais aussi sur sa promotion, sur l'édition des deux disques de le musique avec Virgin, de la conception du DVD… Cette relation n'aurait par ailleurs pas pu se nouer sans la confiance que m'ont accordée Eric Heumann et son associé Marc Sillam.