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Alain Giraudie (c) Julien Oberlander
Objectif Cinéma : À cet âge de l'adolescence, on découvre Sartre et Camus, sans savoir ce qu'ils représentent, on plonge directement dans leurs récits. Une alchimie secrète s'établit…

Alain Guiraudie : C'est vrai, mais je ne suis jamais revenu à Camus alors que je continue à lire ces deux romans de Sartre. Chez moi tu pouvais aussi bien trouver des Nous Deux avec le livre de Steinbeck Les Raisins de la colère. Mais bon, c'était une famille de droite et catholique, où on pouvait lire aussi Pif Gadget. J'ai appris à lire dans Pif Gadget et si j'en loupais un le mercredi, j'étais dans tous mes états ! Et honnêtement, j'ai lu ça…jusqu'en troisième, seconde au lycée…


Objectif Cinéma : Quels sont tes meilleurs souvenirs de Pif Gadget ?

Alain Guiraudie : Tu te souviens des Artémiens et Salénis, ces espèces d'animaux préhistoriques en sachet ? J'en étais fasciné, ça m'avait complètement enthousiasmé, mais bon, ça ne donnait strictement rien en fait. C'était assez décevant une fois que tu l'avais, j'ai dû le garder deux jours.


  Alain Giraudie (c) Julien Oberlander

Objectif Cinéma : As-tu reçu une éducation religieuse selon les règles ?

Alain Guiraudie : J'étais enfant de chœur, mais par contre, mes parents ne m'ont jamais forcé pour aller à la messe. J'y suis toujours allé de mon plein gré, jusqu'à l'âge de dix ans. J'y croyais à fond et j'aimais ça ! J'adorais faire la messe du minuit Saint à Paques comme enfant de chœur, et je faisais les cinq jours de la Pâques chaque année. Je suis en règle avec la religion, j'ai trois des sept sacrements : le baptême, la communion, la confirmation. Il me manque le mariage, l'extrême-onction - mais ça on verra ça plus tard, et l'ordination. Cela me passionnait vraiment. Il faut savoir que l'Aveyron est un département très catholique. J'ai commencé à rencontrer des prêtres ouvriers vers l'âge de onze, douze ans. Ils venaient travailler au bassin houiller, c'était des cégétistes communistes. Ce sont des gens qui ont été assez importants pour moi, et ensuite, j'ai arrêté de me passionner pour tout ça. Je pense que j'aurais un retour au mystique quand j'approcherai de la mort. Cela arrive à beaucoup de monde et je ne vois pas pourquoi j'y échapperai ! En tout cas, je me posais beaucoup de questions : d'où l'on vient, qu'est-ce qu'il y a après la mort ?


LE CINEMA ET LES CAMARADES

Objectif Cinéma : Tu penses que ces questions nourrissent ton cinéma ?

Alain Guiraudie : Ah oui ! Tout ce qui a trait aux angoisses existentielles est présent dans tous mes films. Je tente de lier ces angoisses avec un quotidien connu, de relier deux états différents. Cela serait un peu stérile de ne rien faire avec ces questions.

Alain Giraudie (c) Julien Oberlander

Objectif Cinéma : Que fais-tu avec le Bac en poche ? Tu commences à travailler ou tu poursuis des études longues ?

Alain Guiraudie : Et bien, après mon bac, je suis parti en fac à Montpellier en 1984. Bon, j'ai fait un peu de tout : je me suis inscrit en géographie et j'ai tenu un après-midi ! Ça ne me plaisait pas et comme j'adore la culture hispanisante, sud-américaine, je suis allé suivre des cours d'espagnol. J'ai tenu trois mois seulement. La fac m'a déçu, je ne m'attendais à ça, j'espérais autre chose que de bûcher et de bachoter comme au lycée. Je pensais qu'on allait nous considérer un peu plus comme des grands. C'est là que j'ai commencé à militer sérieusement. Après l'espagnol, je suis rentré en histoire, puis j'ai rencontré les trotskistes d'un mouvement du Parti des Travailleurs avec lequel j'ai fait un petit bout de chemin. Mais là, je doutais aussi un peu. Je discutais également pas mal avec la Ligue Communiste Révolutionnaire, et je continue à bien les aimer, malgré deux trois petites choses qui m'embêtent. J'ai rencontré des gens de l'UNEF, j'ai adhéré à l'Union des Etudiants Communistes, et dans la foulée au Parti Communiste. Les mouvances d'extrême gauche m'emmerdaient, il n'y avait que des instituteurs et des étudiants et j'avais envie d'être avec des gens qui travaillent ou des chômeurs. Je suis resté au PC jusqu'en 1995, j'ai arrêté quelques années et je viens de reprendre ma carte le 15 juin dernier. Au lycée, j'avais commencé à me renseigner pour passer le concours de l'IDHEC (actuellement la FEMIS). Mais je me mettais des barrières tout seul, le cinéma me paraissait très compliqué. Je pensais que je n'avais pas le bagage cinéphile intello et culturel pour arriver à intégrer l'IDHEC et ce monde-là. Je me suis dit : " Alain, tu feras ça quand tu seras plus grand ! ". Je n'ai donc jamais tenté ce concours, et comme j'avais très envie de raconter des histoires, je me suis mis à écrire. J'ai acheté une machine à écrire pour 300 francs, et j'ai commencé.