Objectif Cinéma : Peut-être
aussi, y-a-t-il eu des règlements de compte internes,
contre le producteur du film ?
Arthur Joffé : Il
y eu un gros problème d'inimitié entre Ciby
2000 et son ancien dirigeant. Il y eu un règlement
de compte tribal, des autres distributeurs, des exploitants
qui ont voulu faire la nique à ma folie financée
par Ciby/Fontlupt.
Par rapport au sujet, il y a eu un aspect sacrificiel. Quand
j'ai accompagné le film en province, on m'a demandé
qui, de Dieu ou du diable, avait financé le film.
Parfois, il faut prendre l'argent du diable. Je refuse de
me considérer comme une victime, je suis heureux
d'avoir fait ce film à la mémoire de mon père.
Que la lumière soit ! existe, il y a un négatif.
Si les personnes qui pouvaient l'exploiter ont décidé
de ne pas le faire, c'est leur boulot, leur responsabilité.
Objectif Cinéma : J'ai
un peu l'impression que le personnage de Tchéky Karyo
symbolise finalement un peu Ciby 2000. Peut-être qu'en
voyant le film terminé, ils se sont sentis visés
Arthur Joffé : Le
producteur avait de l'humour, il disait que Harper, c'était
lui. Peut-être que certaines personnes se sont senties
visées, car on voit dans ce film un magnat de l'audiovisuel
qui essaie de détourner un film et même de
le brûler. Le film n'aurait pas eu ce sort-là
si j'avais été un cinéaste étranger.
Étant un cinéaste venant de France, cela a
posé des problèmes déontologiques plus
violents que je ne le supposais, alors que c'est en fait
une fable assez candide.
Objectif Cinéma :
Est-il vrai que les distributeurs
recevaient des aides pour sortir des films français
pendant l'été ?
Arthur Joffé : Cette
année, le Ministère de la Culture avait décidé
d'aider les films. Cette aide a dû couvrir les frais
de publicité qui n'étaient d'ailleurs pas
très élevés. Peu de films se sont risqués
à sortir à une date pareille. Peu de concurrence,
c'était très arrangeant.
Comme c'est un film assez atypique, ils ont décidé
de ne pas y croire, alors que c'est justement un film sur
la foi ! Ils ont décidé de le sortir
à moindre frais, et surtout qu'on en parle plus.
Objectif Cinéma : Ciby
2000 était une société mal intégrée
à l'establishment français. Ton film était
visé à travers eux.
Arthur Joffé : Quand
Martin Bouygues a décidé de fermer la production
cinéma pour se consacrer à la téléphonie,
mon film était en plein tournage
J'ignorais
alors que mon film était déjà condamné.
Objectif Cinéma : Quand
Bouygues père meurt (créateur de Ciby 2000),
son fils décide de fermer la branche noble, il y
a toute une symbolique...
Arthur Joffé : Tout
à fait, j'ai écrit à Madame Bouygues
en lui disant que si son mari vivait encore, il serait fier
d'avoir produit ce film-là. Effectivement, il y a
une histoire père-fils quasi-dipienne. J'ai
fait ce film à la mémoire de mon père
qui adorait ce projet, qui a été l'une des
dernières joies de sa vie. Parallèlement,
Martin Bouygues a liquidé la boîte créée
par son père.
Objectif Cinéma :
Ciby 2000 avait beaucoup de récompenses,
mais les films n'étaient pas rentabilisés.
Est-ce que c'est le destin des films d'auteur en France ?
Arthur Joffé : Non,
certains films d'auteurs sont promus, passent dans des festivals.
Western, par exemple, est passé par Cannes.
Un film d'auteur n'est pas forcément voué
à l'échec : ça dépend de
la manière dont on s'en occupe, qui est derrière
le film, comment on se bat pour faire un événement
autour du film.