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Cédric Kahn (c) D.R.
Objectif Cinéma : À voir ce film aujourd'hui, on sent quelqu'un qui cherche et se cherche.

Cédric Kahn : C'est un film évidemment plein de maladresses mais d'une honnêteté radicale. Je montre tout ce que je sais faire et ne sais pas faire. Il n'y a aucune habileté qui peut faire écran.


Objectif Cinéma : Ce qui vous soutenait, c'était peut-être la force de votre histoire ? Lorsqu'on se lance à l'aveugle dans un premier film, c'est ce qui permet de surmonter tous les obstacles.

Cédric Kahn : Curieusement, il n'y a pas eu tellement d'obstacles. Cela a été relativement facile. J'ai obtenu le CNC, un producteur. Je l'ai fait vite. Je l'ai écrit à 23 ans, et à 24 ans je finissais le tournage. C'est un film qui a été plus vite que moi, plus vite que je n'étais prêt à faire un film. C'est pour cela qu'il est particulier, que j'ai du mal à inclure dans ma filmographie. Les autres films sont des actes d'adultes. Je les ai voulus et je les ai faits. Je me sentais responsable de A à Z, tandis que pour Bar des rails, c'est quelque chose qui m'a un peu dépassé. Sur tous les plans. Je l'ai tourné, mais sans bien savoir pourquoi et comment j'ai fait les choses.


  Cédric Kahn (c) Marc Lepoivre

Objectif Cinéma : Quels sont les éléments qui vous ont laissés le plus insatisfaits lors de cette première expérience, et que vous avez eu envie de corriger dans les films ultérieurs ?

Cédric Kahn : Un peu tout. C'est un film que je n'aime pas beaucoup, tout en pensant qu'il doit avoir des qualités qui m'échappent. En tout cas, c'est un film que je ne pouvais faire qu'une fois. Je ne pourrais pas refaire Bar des rails, être à nouveau celui qui a fait ce film. C'est comme quand on fait l'amour la première fois : vous ne pouvez plus jamais être celui qui fait l'amour la première fois. C'était un dépucelage cinématographique.


Objectif Cinéma : Dans ce premier film, ce qui paraît immédiatement caractéristique de votre style, c'est ce refus de la psychologie - ou le refus de passer par les ficelles psychologiques habituelles - dans une histoire qui pourtant, aurait très bien pu recevoir un tel traitement.

Cédric Kahn : Mais lorsque j'ai fait ce film, je n'avais aucune conscience de ce que pouvait être un style. Par contre, je sais ce qu'est mon goût. Pour moi, le style est davantage une affaire de goût. C'est ce qui vous pousse vers certaines choses et vous détourne de certaines autres. Et c'est vrai que je n'ai pas le goût de la psychologie, ou plutôt, je n'ai pas de goût pour l'explication psychologique, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. La psychologie s'intéresse à ce qui se passe à l'intérieur des gens, à ce qui les motive et cela bien sûr, ça m'intéresse. Je m'intéresse aux personnages que je mets en scène, mais je n'aime pas les réduire à une définition psychologique.


Bar des rails (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous privilégiez une approche brute des personnages. Par exemple, dès votre premier film, on voit bien que vous n'insistez pas trop sur les dialogues. Ce qui compte, c'est ce qui se passe derrière les dialogues.

Cédric Kahn : C'est bizarre car je suis plutôt quelqu'un de bavard, qui parle assez facilement. Mais je n'aime pas le bavardage. Je ne crois pas que tout ce que l'on dit est vrai. J'accorde beaucoup d'importance aux attitudes, aux gestes. Par exemple, il y a des gens qui peuvent me séduire par le discours, mais quelque chose dans leur attitude ne me plait pas. J'ai lu un article sur l'un de mes films qui disait que je ne croyais pas au langage, que je niais la notion de langage. Je ne m'étais jamais fait la réflexion mais ça me semble assez juste.


Objectif Cinéma : Ce qui explique votre méfiance pour les artifices psychologiques au cinéma.

Cédric Kahn : Qui passent par le langage. Or je pense que la psychologie est dans tout : par exemple, la façon dont un personnage va allumer une cigarette. C'est une démarche plus comportementaliste, béhavioriste. J'ai donné des cours de direction d'acteurs à la Fémis. Je me rendais compte que j'essayais d'influer sur le jeu par le comportement, en insistant sur les positions par exemple : quelqu'un qui est debout ne joue pas de la même façon que quelqu'un qui est assis, quelqu'un qui joue en mangeant ne joue pas comme quelqu'un au téléphone etc. Tout cela, c'est de la psychologie qui ne passe pas par de la psychologie.