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Objectif Cinéma : Justement, il me semble que vous essayez de fuir à tout prix tout ce qui pourrait se rapprocher du théâtre et d'approcher, par le travail de la mise en scène, la spécificité du langage cinématographique.

Cédric Kahn : Ma formation de base c'est l'image : la télé, le cinéma.


Bar des rails (c) D.R.

Objectif Cinéma : La littérature n'a-t-elle pas compté dans votre formation ?

Cédric Kahn : J'ai découvert la littérature assez tard. Céline a été un grand choc. Je lis beaucoup plus maintenant. En revanche je vais moins au cinéma. Le cinéma m'a tellement nourri, m'a procuré des émotions tellement profondes qu'il ne m'en procure plus. Peut-être qu'il y a une part de magie du cinéma qui n'opère plus. Les livres me nourrissent maintenant, m'apportent de réelles émotions qui me transportent. Ce que je ne retrouve quasiment plus au cinéma.


Objectif Cinéma : C'est plus facile d'écrire des livres que de faire des films, du moins matériellement parlant ?

Cédric Kahn : Oui, disons que l'écriture est plus accessible, n'importe qui peut du jour au lendemain se décréter écrivain. Quoique avec la multiplication des moyens de filmer, des petites caméras vidéo, on ait presque l'impression que le cinéma est devenu aussi accessible que la littérature. N'importe qui peut faire un film en DV. Pour revenir à votre question, sur le plan artistique, je ne suis pas sûr du tout. Je pense que le cinéma est un art impur. Ce n'est pas tout à fait artistique : il y a trop de contingences. C'est un geste moins absolu que de peindre ou que d'écrire. Chez un écrivain ou un peintre, on a du talent ou l'on n'en a pas. Chez un cinéaste, le talent est plus difficile à déceler. Il peut être étouffé par des éléments extérieurs : les acteurs, le tournage.


  Cédric Kahn (c) Marc Lepoivre

Objectif Cinéma : N'étant pas technicien de formation, n'avez-vous pas été stressé au début par les impératifs techniques ?

Cédric Kahn : J'ai toujours été méfiant vis-à-vis de la technique. Je n'ai jamais eu de complexes par rapport au technicien, celui qui a l'instrument technique entre les mains comme quelque chose de compliqué. Mais la technique, cela peut être encombrant. Ce que font les acteurs, c'est plus risqué, plus immatériel. Au fond, quand on est sur le lieu de tournage, la partie technique paraît la chose la plus simple. Il y a un grand déséquilibre entre ce qui paraît et ce qui est. Cela paraît très technique, très compliqué, mais la difficulté est ailleurs.


Objectif Cinéma : Lorsqu'on fait un plan, une image, est-ce qu'on maîtrise vraiment tout le processus de réalisation ? Si par exemple, un technicien intervient pour dire que tel plan ou telle intention n'est pas possible à cause de tel facteur… Bref, le réalisateur obtient-t-il forcément le résultat qu'il a écrit, pensé, voulu ?

Cédric Kahn : Il y a deux choses. Déjà, si quelqu'un dit : " on ne peut pas ! ", c'est un discours que je n'aime pas. Je préfère qu'on me dise : " On peut faire, mais il faut faire attention à ça ". Je n'aime pas l'arbitraire. Je pense qu'on peut discuter de tout et que ce n'est pas de la sorcellerie. Un technicien doit pouvoir m'expliquer pourquoi on ne peut pas faire telle chose, et moi je dois pouvoir expliquer pourquoi c'est possible, si je comprends l'empêchement technique. Par ailleurs, je pars du principe que de toute façon je n'obtiens jamais l'image exacte que j'ai dans la tête. L'image exacte, ça n'existe pas. À partir du moment où il y a des acteurs… Le cinéma c'est tout sauf scientifique. Il y a une inconnue et je pense que la qualité d'un film réside dans cette inconnue-là. On met en place un certain nombre de choses pour que ça se passe d'une certaine manière, mais ça ne se passe jamais de la manière qu'on a prévu. J'aime cette idée-là, ça ne me rend pas malheureux. J'aime que le film se transforme en se faisant et je m'intéresse plus au film en train de se faire qu'au film que j'ai rêvé de faire. En ce sens, je ne suis pas un formaliste.


Objectif Cinéma : Cherchez-vous avant tout de raconter l'histoire de la meilleure façon possible ?

Cédric Kahn : Je ne suis pas non plus un obsédé de la narration. Ce que je cherche, ou du moins ce que j'ai cherché, c'est d'une part de ressentir des choses profondes, des émotions, et d'une certaine façon de les transmettre, les communiquer.