Objectif Cinéma : Passons
à Trop de Bonheur, en 1994, qui a connu une
sortie en salles et aussi une diffusion sous forme de téléfilm
sur Arte.
Cédric Kahn : Il
reste mon film préféré. Entre le moment
de l'écriture, le tournage, le montage, tout cela
s'est passé en un mouvement totalement facile, agréable.
Ce n'est pas un film très ambitieux, il est relativement
simple, il ne raconte pas des choses très fortes,
ni fondamentales, mais d'une certaine façon, je pense
que c'est mon film le plus abouti. Il y a une cohérence
parfaite entre ce qu'il raconte, ce qu'il est, la façon
dont il a été fait. C'est un objet rond, plein.
Un film qui ne sent pas l'effet.
Objectif Cinéma :
Vous l'avez revu celui-là ?
Cédric Kahn : Oui.
Je le revois souvent car il est passé assez souvent
à la télé en version courte. Et je
le revois avec plaisir. C'est le seul. C'est un film que
j'ai fait contre Bar des rails. Je l'ai fait avec
l'absolu impératif de ne pas souffrir. C'était
ce que je m'étais imposé à moi-même.
Et puis c'est le seul film où je suis allé
au bout d'une expérience qui me tient à cur :
ne travailler qu'avec des amateurs. Des gens que j'ai trouvés
à droite, à gauche, dans la rue, dans des
bars. Ils étaient tout le temps là à
l'heure, sans jamais se plaindre et surtout, avec une envie
de jouer phénoménale. Il fallait plus les
retenir que les pousser. On a tourné rapidement,
en trois semaines. C'était une expérience
très gracieuse. Et je n'ai jamais ressenti cela,
ni avant, ni après.
Objectif Cinéma : Le
titre était un peu en adéquation avec l'état
d'esprit dans lequel il a été tourné ?
Cédric Kahn : Il
est à double tranchant. Si c'est " trop
de bonheur ", c'est que c'est un bonheur qui ne
peut pas revenir. C'est cuit avant même de commencer.
Objectif Cinéma : Mais
le titre du téléfilm, c'est simplement
Bonheur.
Cédric Kahn : En
effet. Comme je l'ai coupé d'une demi-heure, je voulais
simplifier le propos. C'est un peu un pied de nez que j'ai
fait à Arte. Puisque je coupe le film, j'enlève
toute l'ambiguïté du titre. Vous avez une demi-heure
de moins, mais vous n'avez que le bonheur.
Objectif Cinéma :
Malheureusement, je n'ai vu que
la version courte.
Cédric Kahn : Elle
a plus de contrepoints. Le vrai sujet de ce film se trouve
dans la version cinéma.
Objectif Cinéma : Par
ailleurs, il y avait un parti pris un peu risqué
dans ce film, celui de travailler sur ce qui peut apparaître
comme banal ou insignifiant.
Cédric Kahn : On
peut dire cela aussi à propos de Roberto Succo
qui est aussi un travail sur la banalité, même
s'il y a un personnage hors normes qui traverse cette banalité.
D'une certaine façon, le crime est extrêmement
banal.
Objectif Cinéma : Ensuite
vous réalisez un téléfilm en 1997 avec
les élèves du Théâtre National
de Strasbourg : Culpabilité zéro.
Cédric Kahn : Les
élèves l'ont rebaptisé Crédibilité
zéro.
Objectif Cinéma : Cela
s'était mal passé ?
Cédric Kahn : Avec
eux, non, pas du tout. On est un peu passé les uns
à côté des autres. Comme quoi on peut
passer des tournages plutôt agréables et il
ne se passe rien. Je dirais surtout que ça ne s'est
pas passé. Je suis parti d'un projet pas assez travaillé,
un peu bancal. Le ton du film n'était pas adapté
à l'exercice et à la commande. Bref, ce n'est
pas un film réussi. Mais après tout, les dérapages
apprennent autant que les choses réussies. C'est
de l'orgueil de vouloir tout réussir.