Objectif Cinéma :
 Durant votre adolescence, quels sont les films et les réalisateurs
 qui ont pu entretenir cette passion naissante du cinéma
 que vous éprouviez alors ?
 
 
 
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Pascal Stervinou :
 J'adorais par-dessus tout les films
 de genre. Tout y passait : l'action, l'aventure, la
 science-fiction, le polar et surtout le fantastique. Le
 gore même. J'ai beaucoup fantasmé sur des films que je n'ai
 vus que quelques années plus tard, comme Mad Ma
 (George Miller, 1979) qui a mis du temps à sortir en France
 ou Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper,
 1974) que j'ai vu en vidéo après avoir loué spécialement
 un magnétoscope. La vision de Alien (Ridley Scott,
 1979) à 12 ans, un mercredi après-midi, m'a effaré. J'étais
 content de pouvoir entrer dans la salle car le film était
 interdit aux moins de 13 ans. Après, j'ai vite compris ma
 douleur : je me suis retrouvé au premier tiers de la
 projection dans les toilettes du cinéma, les jambes en coton,
 à me demander si je devais retourner dans la salle. J'y
 suis retourné et j'ai subi le reste du film sans moufter.
 Ce sont des films intenses et violents qui marquent à jamais
 un jeune spectateur.
 Je voyais à cette époque (au début des
 années 80) plus de cent films par an en salles. Je suis
 devenu un cinéphile enragé et engagé. Je défendais mordicus
 des films jugés mineurs comme Hurlements (Joe Dante,
 1981) ou Zombie (George Romero, 1978) comme s'il
 s'agissait de Citizen Kane (Orson Welles,
 1941). Je n'avais alors aucune culture cinématographique.
 Je voyais des films, je les adorais ou je les détestais.
 C'était aussi simple que ça. Ce que je ne savais pas, c'est
 que j'étais en train de me forger ma propre culture cinématographique,
 ma petite boutique des horreurs, et qu'elle allait me suivre
 tout le long de ma vie.
 
 
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 Des magazines comme L'Ecran Fantastique
 ou Starfix entretenaient l'aura de ce genre de films.
 C'étaient les seuls à se pencher sérieusement sur des films
 dits non sérieux. Starfix réussissait toujours à
 trouver l'auteur, au sens Nouvelle Vague du terme, qui se
 cachait derrière un film de série comme Evil Dead
 (Sam Raimi, 1982) ou New-York 2 heures du Matin
 (Abel Ferrara, 1984). Ce sont les premiers à avoir encensé
 Cronenberg, Lynch ou Eastwood bien avant qu'ils ne soient
 récupérés par la critique dite officielle quelques années
 plus tard. J'ai aussi longtemps idolâtré E.T. (Steven
 Spielberg, 1982), qui est à mon sens un des films les plus
 personnels, les plus intimes de son réalisateur. J'enregistrais
 les dialogues dans la salle avec un gros magnétophone et
 je me repassais les dialogues en boucle.
 
 Objectif Cinéma : Est-ce
 cet amour du genre fantastique qui vous a poussé à faire
 vos gammes en tournant des films en Super 8 ?
 Pascal Stervinou : Oui,
 très certainement. Vers 15 ans, j'ai emprunté la caméra Super
 8 d'un ami de mes parents et je me suis jeté à l'eau en filmant
 des petites histoires inspirées des films que je voyais. Mon
 premier court-métrage racontait l'histoire d'un homme qui
 se faisait attaquer chez lui par des forces surnaturelles
 venues d'on ne sait où. C'était très inspiré, je crois, de
 Poltergeist (Tobe Hooper, 1982). Un copain tenait le
 rôle principal. Je ne me souviens même pas du titre et s'il
 y en avait un d'ailleurs... J'ai toujours la bobine du film...
 mais dans un état déplorable : les perforations sont
 déchirées et il manque le premier plan avec le titre… 
 
 
 
 
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 Le scénario était simpliste, mais j'attachais
 déjà beaucoup d'importance à l'image. Je story-boardais
 tous les plans à filmer de peur d'être dépassé par les événements
 sur le tournage et j'abusais des effets de lumière et de
 fumée. Pour la première fois de ma vie, j'utilisais également
 quelques effets spéciaux de maquillage rudimentaires que
 je réalisais moi-même. J'ai ainsi transformé la main et
 l'avant-bras du copain/cobaye en un membre brûlé et décharné
 grâce à du coton, de la cire de bougie et de la peinture.
 Le montage approximatif du film s'est
 effectué aux ciseaux et à la lumière d'une lampe de bureau.
 Heureusement, par la suite, j'ai cassé ma tirelire pour
 acheter une visionneuse. Le résultat final n'était pas très
 convaincant et je garde de cette première expérience un
 souvenir de dur labeur pour un piètre résultat.