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  E.T. - Affiche amériacaine (c) D.R.
Objectif Cinéma : Les autres courts métrages que vous avez tournés par la suite en Super 8 étaient-ils assez proches de cette première expérience ? Comment pourriez-vous définir l'approche qui était la vôtre dans ces travaux de jeunesse ?

Pascal Stervinou : Fort de cette première expérience, j'ai essayé d'améliorer mes films Super 8 suivants. Pour cela, je me suis concentré davantage sur l'écriture des scénarios et sur le découpage. Hélas, les tournages étaient toujours aussi chaotiques. J'avais beaucoup de mal à me constituer une « équipe technique » fidèle, et à faire partager mon enthousiasme à mes amis en leur demandant de consacrer leurs week-ends à mes films. Je les comprends d'ailleurs... Dans ces conditions, j'ai tout de même réussi à tourner dans mon grenier CE4K, une parodie de film de SF (en hommage à CE3K qui est l'abréviation de Close Encounters of the Third Kind, Rencontres du Troisième Type), ainsi qu’un remake de E.T. intitulé Aventure sur la Terre avec une poupée articulée de ma fabrication que j'animais image par image. Je mettais tout le monde à contribution. Mon père a même joué le rôle principal d'un de mes films intitulé Go Faster ! où un homme en retard à un rendez-vous important se transforme progressivement en monstre dans sa voiture alors qu'il va de plus en plus vite. Quant à mon grand frère, j'utilisais ses qualités de graphiste pour faire quelques dessins préparatoires ou des peintures sur verre à travers lesquelles je filmais les acteurs. Je les plaçais très près de la caméra et, grâce à une grande profondeur de champ, on pouvait voir à l’arrière-plan, à travers les zones de verre non peintes, les acteurs ou tout autre chose. Ce n'était en fait qu'une version artisanale des célèbres glass-paintings.

Story Board de Go Faster (c) D.R.

Tout comme pour les films que je voyais au cinéma, mon approche de la réalisation technique d'un film en Super 8 était très naïve. Je fonçais tête baissée dans des séquences plutôt complexes qui me feraient peur aujourd'hui. Je n'avais aucune envie de filmer des histoires de cœur à la terrasse d'un café. Il fallait que je me fasse remarquer d'une façon ou d'une autre : soit par les effets spéciaux (aussi rudimentaires soient-ils...), soit par la photographie, soit par le montage, mais en tout cas toujours d'une façon esthétique. Je me répète, mais pour moi le cinéma devait être un cinéma de genre, d'images et de sensations fortes. En règle générale, les tournages étaient interminables. Moi, je n'avais qu'une seule envie, c'était de finir un film pour expérimenter rapidement quelque chose d'autre. Comme tout adolescent qui se respecte, j'étais très impatient...


Objectif Cinéma : Vous avez donc réalisé beaucoup de courts métrages Super 8 en peu de temps sur le même principe ?

Pascal Stervinou : Oui, j'ai dû réaliser une douzaine de films Super 8 entre 1982 et 1988. Je tournais généralement pendant les vacances scolaires ou l'été. J'en ai montré seulement la moitié à mes proches. Les autres, je les jugeais inaboutis ou, plus simplement, complètement ratés. Je m'apercevais très rapidement que rien ne marchait, surtout au niveau de l'histoire. Ils restaient le plus souvent inachevés et sans titre. J'aimais bien également bidouiller dans mon coin de petits films que j'appellerais expérimentaux, faute de trouver un autre adjectif. Je partais avec ma caméra sans but précis et je filmais ce qui me plaisait : des lumières, des gros plans en macro ou des images en accéléré ou au ralenti. Ces essais, contrairement à mes petites fictions, ne portaient pas non plus de titres et je ne les montrais que très rarement.

Les années 80 étaient aussi les années clips. Des réalisateurs comme Russel Mullcahy ou Steve Barron (dont j'avais sympathisé avec la mère, la réalisatrice Zelda Barron à l'occasion d'un festival où elle présentait son film Secret Places) étaient au sommet de leur gloire (malheureusement, ces réalisateurs n'ont jamais confirmé leur statut de réalisateurs importants). Le montage et la photographie de leurs travaux, même s'ils étaient très connotés Eighties, m'ont certainement influencé. Je suis donc passé aussi par l'étape obligatoire et l'exercice de style du vidéo clip en illustrant un morceau instrumental de Peter Gabriel, No One Of Us, extrait de la bande originale de Birdy (Alan Parker, 1984).

  Story Board de Go Faster (c) D.R.

Mes petits films faisaient généralement entre 3 et 13 minutes. Je me suis toujours senti obligé de projeter ceux que jugeais les meilleurs à mes amis et à ma famille. J'organisais des petites projections dans ma cave sur un drap blanc tendu. Les quelques spectateurs cinéphiles présents étaient étonnés par la qualité de l'image (je tournais le plus possible en 50 asa) et du montage. Les autres demeuraient le plus souvent dubitatifs ou intrigués mais heureusement jamais indifférents. Pour mon dernier film Super 8, Shocker, je suis même allé jusqu'à louer une petite salle dans mon quartier et lancer quelques invitations à toutes mes connaissances. Une cinquantaine de personnes étaient présentes. J'étais content, j'ai pris ça comme un succès...