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Objectif Cinéma : L'univers que vous dépeigniez dans ces essais Super 8 avait-il quelque chose de commun avec celui que vous développez aujourd'hui dans vos courts métrages, que ce soit au niveau des scénarios ou d'un point de vue technique ? En avez-vous retiré quelques précieuses leçons ?

Pascal Stervinou : Je crois que la manière dont on réalise ses premiers films (Super 8 ou autres) influence de très forte manière les suivants. Comme une sorte d'éducation dont on a du mal à se défaire par la suite... Comme vous le savez peut-être, le Super 8 n'est pas ce que l'on a fait de mieux techniquement pour l'utilisation du son. Mes courts-métrages étaient de ce fait le plus souvent muets ou du moins sans son direct. Je ne me concentrais sur la bande son qu'une fois le montage image achevé. Je demandais au labo de coucher une petite piste magnétique vierge sur toute la longueur du film monté. Ensuite, grâce à un projecteur enregistreur, j'essayais tant bien que mal de synchroniser quelques sons et la musique avec l'image. Ça marchait rarement du premier coup. Il fallait être très patient et j'y passais un temps fou mais j'étais au final très content d'avoir sur le même support l'image et le son, contrairement à mes tous premiers films où je lâchais la pause d'un magnétophone un peu à l'aveuglette en même temps qu'une image précise qui me servait de signal de synchro. Cette technique, ou plutôt cette absence de technique, a beaucoup influencé la fabrication de mes courts-métrages professionnels. Aujourd'hui encore, je tourne souvent sans son direct et je fais ensuite appel à un sound designer pour prendre en main l'univers sonore que je désire insuffler au film.

Photo de tournage de Shoker (c) D.R.

J'ai toujours tenté de raconter une histoire avant tout avec des images, sans avoir recours systématiquement au son ou plus exactement aux dialogues. Mes courts-métrages sont en général très peu bavards et j'ai personnellement toujours considéré l'utilisation des dialogues comme une facilité et une preuve de faiblesse dans l'écriture d'un scénario. Je suis très loin des logorrhées verbales de Rohmer ou de Woody Allen. Je me suis toujours senti plus proche de l'univers très visuel d'Hitchcock ou même de Sergio Leone. Chez ces deux cinéastes, un lien immédiat se crée entre le spectateur et le réalisateur. J'aime beaucoup ça...

D'un point de vue purement scénaristique, je me contentais souvent de la rédaction de courts synopsis afin de passer à l'étape du storyboard le plus vite possible (tous mes films ont été storyboardés, sans exception...). Pour moi, je rentrais alors immédiatement dans le concret du film : le cadrage, le découpage et le montage auxquels je pensais déjà bien avant le tournage. Aujourd'hui, j'ai compris l'importance et le caractère inéluctable d'un scénario bien écrit, même si j'ai toujours tendance à minimiser sa valeur et le caractère un peu sacré qu'on veut bien lui donner. Je différencie toujours histoire et scénario. Le scénario de Mr Parker, par exemple, était certainement très mauvais mais je pense sincèrement que l'histoire (un ancien soldat retranché dans sa maison de campagne et confronté à ses vieux démons) aurait pu faire un excellent court métrage 35mm. Dans ce film d'une vingtaine de minutes, il devait y avoir en tout et pour tout deux phrases de dialogue. J'ai poussé jusqu'à son paroxysme ce principe du film sans dialoguedans mon ultime film Super 8 intitulé Shocker.


Objectif Cinéma : Le titre lui-même est déjà intrigant. Que signifie-t-il, et pourquoi l'avez-vous choisi ?

Pascal Stervinou : Shocker est un terme générique américain qui qualifie les films d'horreur ou gore. On utilise les expressions shocker movies ou slasher movies, ainsi que d'autres expressions, peut-être un peu plus connues, comme whodunit movies (qui est l'assassin ?) ou buddy cop movies (un couple de flics mal assorti obligé de mener ensemble une enquête). Je trouve ici utile de préciser que j'ai choisi d'intituler mon dernier film Super 8 Shocker bien avant celui de Wes Craven sorti en 1990.

D'une manière générale, j'ai toujours été très attiré par les titres originaux des films. Je trouve que leur traduction en français enlève à beaucoup de films (et plus spécialement aux films de genre...) leur impact ou leur mystère. Je vais même jusqu'à penser que certains distributeurs portent une grande part de responsabilité dans la perception souvent négative du cinéma américain dans notre pays. De mon côté, je préférerais toujours payer une place de cinéma pour aller voir Fandango (Kevin Reynolds, 1984) ou Brain Damage(Frank Henenlotter, 1987) plutôt que pour Une Bringue d'Enfer ou Elmer, le Remue Méninges, même s'il s'agit des mêmes films. Pour revenir à mon dernier Super 8, j'ai pensé que le titre de Shocker résumait et clôturait parfaitement ma furieuse période cinématographique d'adolescent. C'était peut-être un moyen de me dire inconsciemment qu'il fallait vite passer à autre chose et, pourquoi pas, tenter de mettre un pied dans la profession...