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Nos voisins les Yamada (c) D.R.
Objectif Cinéma : Cela reste mineur quand on voit par exemple le nombre de séries qui sortent par semaine au Japon…

Iian Nguyên
 : La production télévisée est un autre format, qui correspond en France à un cas à part. Il s’agit là en effet d’un cadre beaucoup plus strict, régi par des quotas instaurés par les autorités compétentes. C’est un problème qui n’a pas de solution. Pour ce qui est du cinéma, les films japonais d’animation sortis sur les écrans français n’ont souvent pas connu d’exploitation assez satisfaisante pour que les distributeurs se hasardent à en sortir d’autres ; pourtant la curiosité est là. Un certain nombres de distributeurs sont intéressés, essaient de voir les films. Nous en avons encore été témoins cette année. Grâce au festival, Gauche le violoncelliste et Nos voisins les Yamada, deux longs-métrages inédits de Takahata que nous avons présentés il y a deux ans, ont été distribués en salles.
Encore une fois, la découverte de ces films en salles nécessite la résolution de plusieurs problèmes. Dans un premier temps accéder aux films, les découvrir est difficile. Dans un second temps, les habitudes de la distribution japonaise sont assez différentes des nôtres, économiquement parlant. Il est parfois difficile de s’entendre sur certains films. Il arrive que les Japonais ne donnent pas suite aux propositions des distributeurs étrangers...


Objectif Cinéma : Revenons à Metropolis, quelles sont les raisons de son relatif échec au Japon ? Etait-il trop européen ?

Iian Nguyên
 : Je ne le crois pas. Ce film connaît de nombreux problèmes sur le plan graphique. La façon dont il mêle animation classique en 2D et travail info-graphique en 3D donne un résultat visuel qui n’a jamais été visé de cette manière-là. Les Japonais sont très sensibles, et ont des habitudes bien établies vis-à-vis de l’image. La plupart des productions ont d’ailleurs toujours tenté d’intégrer l’infographie de la façon la moins visible possible. Dans la production animée japonaise, il y a à cet égard quelque chose de l’ordre d’une autolimitation. L’ordinateur permet bien des changements, mais il ne s’agit pas de le considérer autrement que comme un outil. Il s’agit de tirer parti de ses possibles apports sans tomber pour autant dans les dérives de la technologie “gratuite”, comme lorsqu’on en vient à intégrer à son travail des représentations, des effets uniquement parce que la machine les rend désormais possibles... Dans Metropolis, il y a ce côté très audacieux mais qui me paraît loin d’être totalement réussi dans cet assemblage graphique, avec beaucoup de problèmes par ailleurs dans l’animation. Elle présente un soin particulier, presque déplacé à certains moments, mais reste très inégale et peu naturelle par ailleurs…


  Metropolis (c) D.R.
Objectif Cinéma : N’existe-t-il pas de dissensions internes, chaque étape étant gérée par des studios différents nuisant ainsi à l’identité du film ?

Iian Nguyên
 : Même lorsqu’un studio unique centralise toutes les étapes de la réalisation, il y a inévitablement une sorte d’oscillation de cet ordre, à l’intérieur de chaque film. Une oscillation plus large est perceptible d’un film à l’autre, en fonction des équipes, des individualités qui s’y croisent. Car il existe réellement une “patte” reconnaissable suivant la composition des équipes techniques, mais encore faut-il la percevoir : tout le problème est là. Il existe réellement une identité graphique propre à chaque animateur, plus ou moins apparente selon le type de travail qu’il effectue, les modalités de ce dernier et la façon dont il va être corrigé par la suite. Miyazaki par exemple a tendance à essayer de gommer au maximum ce type de différences. Au fil des studios par lesquels un animateur va passer, son trait va changer, mais ce sont indéniablement les premières années qui s’avèrent décisives. Par exemple A Production, studio créé dans le courant des années 1960 par un transfuge du studio de Tôei, marque la genèse d’une “patte” graphique disparue par la suite, mais qui pendant dix ans, quelles que soient les sources d’adaptations, a correspondu à un type de personnages et surtout un type de mouvements très clairement typiques de ce studio, et qui permettaient de l’identifier. C’est un caractère difficile à déceler car on est sans cesse confronté à la limitation de sa propre perception. Un certain nombre d’indices permettent pourtant de se dire que les choses sont là, et notamment dans la manière dont ce monde fonctionne, en tant que profession. Certains metteurs en scène choisissent ainsi avec le plus grand soin chacun de leurs animateurs pour leur trait et leur personnalité graphique propres, et dans les meilleurs des cas, les films se construisent à partir et en fonction de la personnalité des animateurs qui composent l’équipe.