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The Third Man (c) D.R.
Car finalement, le trajet que fait cette jeune femme pour vérifier son désir d’écrire, eh bien le film raconte la même chose : la vérification de mon propre désir de cinéma. C’est évident. J’ai fait des courts-métrages avant d’être acteur. Etre acteur, ça m’est un peu tombé dessus, même si j’ai eu la chance de tourner avec Iosseliani ou Desplechin. C’est une réaction à Mange ta soupe (1997), mon premier long métrage, c’est une réaction au théâtre, à la psychologie. Je suis sûr que c’est ça. J’ai pris ce roman, qui n’était qu’une page blanche, et je suis allé voir si j’étais capable d’en faire du cinéma. Et ça, c’était vraiment palpitant. J’ai l’impression de m’être ouvert des portes incroyables pour la suite…

Mon contre-exemple absolu sur ce film, c’était Alain Tanner ; même si par ailleurs j’adore ce cinéaste. Dans la ville blanche (1984), voilà exactement ce que je ne voulais pas faire. Ou encore Trois ponts sur la rivière (1998), de Jean-Claude Biette. A l’inverse, dans Le Stade de Wimbledon, je voulais raconter quelque chose de contemplatif sans travailler forcément sur la durée des plans.

Cela ressemble un peu au Troisième homme (Carol Reed, 1949). " C’est une enquête, et non pas une quête ", voilà une phrase que je me suis répétée plusieurs fois, à haute voix, pendant le tournage. " Je veux filmer une enquête ". Si à la fin, il y a de la quête, tant mieux. Mais à la limite, c’est pas mon problème, j’ai pas à m’occuper de ça. Moi, je suis réalisateur, soyons technicien : je filme une enquête. Et comme j’ai lu ce roman et qu’à la fin cela m’a mené ailleurs – je ne sais pas où, dans un certain stade… –, je faisais confiance à ma sensation de lecture.

  Les Ailes du désir (c) D.R.

Et là, ce n’était pas Bruno Ganz marchant au hasard dans la ville, comme dans Les Ailes du désir (Wim Wenders, 1987)… Je ne voulais pas quelque chose de forcément très doux, d’états d’âme… C’était une femme pressée. D’ailleurs, l’écrivain François Weyergans m’a envoyé un très joli fax où il parle de " poésie pressée ". Et cette histoire de vitesse, évidemment, faisait partie du pari du film. C’était de la sensation immédiate. Je voulais éviter la pensée.

D’où la musique au piano de Grégoire Hetzel, aussi. En fait, cette musique est très proche de celle qu’a composée John Adams. On a d’abord monté le film avec la musique d’Adams, puis on l’a remplacée par celle de Grégoire. C’est une musique qui me faisait penser aux neurones, aux synapses : tchac tchac tchac tchac… Comme une machine. Et en même temps, il y a ces sonorités coulantes du piano, il y a les deux. La phrase musicale ne bouge pas, sauf par petites variations.

Dans cette idée de respiration, il y avait aussi un autre parti pris, c’est que Jeanne s’endorme à la fin de chaque partie. On a tourné toutes ces scènes, mais on ne les a pas forcément conservées au montage. Par exemple, à la fin du printemps, on n’a conservé que Jeanne qui repart dans le train et qui marche dans le couloir, filmée de dos et s’éloignant ainsi de la caméra…

Mathieu Amalric (c) Julles et Julles
Objectif Cinéma : Oui, oui, c’est un très beau plan, très évanescent ce départ, l’image devient un peu floue à la fin.

Mathieu Amalric : Oui, enfin bon, je ne vais pas vous mentir, ça n’était pas voulu. Je me souviens très bien du tournage, Jeanne marchant filmée de dos, et le train qui démarre, la caméra qui manque de se casser la gueule et qu’on rattrape, Jeanne ne s’en rend pas compte, c’est un peu la panique et là, l’image devient floue, effectivement… Bon. Mais j’avais tout de même choisi ce train-là, parce que je le trouvais extraordinaire dans sa longueur. On pouvait le traverser en entier jusqu’au bout avec la caméra.

Autre hasard : un soir, en été, c’était la fin de la journée, on avait fini de tourner, on allait tous se baigner, il y avait cette lumière incroyable. Et puis comme ça, pour le plaisir, Christophe dit : " Allez, on va filmer Jeanne qui se déshabille, la lumière est tellement belle ". Comme ça, sans intention, pour le plaisir…. Et puis après, au montage, ce plan était tellement beau, il avait tellement de force que, pour finir la partie de l’été, ça nous paraissait bien mieux que Jeanne s’endormant dans le train. Et François a eu immédiatement cette idée d’un fondu-enchaîné avec la trace de l’avion… Et le montage se faisait par sensations, justement. Car c’est ça, le cinéma, aussi : il y a un moment où vous réagissez à quelque chose qui ne vous appartient plus.



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