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  Brian De Palma (c) David Lombourg
Objectif Cinéma : Lorsque cette femme apparaît seule dans une eau bleutée, elle semble être une sorte d’image initiale, une icône vide d’identité, une créature des premiers temps à qui le film va donner corps.

Brian de Palma : Cette femme revêt des masques différents qui sont autant de moyens de parvenir à ses fins. Elle commence par séduire le photographe pour mettre la main sur les bijoux. C’est en tout cas ce que le public est censé penser. On la retrouve plus tard sur les marches d’une église, portant une perruque noire, car elle a dû changer d’apparence pour semer ses poursuivants en attendant de se procurer un passeport et de quitter le pays. Elle se fait photographier par Antonio, puis elle voit cette blonde qui est son portrait craché. Elle opère alors une nouvelle transformation et se fait blonde à nouveau : la perruque noire lui a permis de pénétrer aux Etats-Unis, mais désormais elle est quelqu’un d’autre, c’est-à-dire la femme de l’ambassadeur. Elle se retrouve ensuite confrontée à un problème quand l’ambassadeur retourne en France, même s’il ne faut pas perdre de vue que tout ceci n’est qu’un rêve, le fruit de son imagination. Elle commence alors à jouer ce rôle d’épouse d’ambassadeur battue et asthmatique afin de se mettre Antonio Banderas dans la poche. Elle a une multitude d’identités différentes.


Objectif Cinéma : Un autre changement notable est la place accordée au rêve…

Brian de Palma : Où commence-t-il selon vous ? Je vous pose la question, car si on ne perçoit pas cela, le film est terriblement déroutant.


Objectif Cinéma : Le rêve débute quand elle est dans son bain, non ?

Brian de Palma : Exactement.


Objectif Cinéma : Cette longue séquence onirique semble être pour vous un pur moment de divertissement, un espace privilégié où vous vous sentez libre d’exprimer tous vos désirs, vos pensées, vos sentiments. On sent que vous vous êtes véritablement amusé.

Brian de Palma : Tout à fait. L’histoire de cette femme qui mène un homme à sa perte est drôle à raconter, et c’est ce qui m’a poussé à faire le film.


Femme fatale (c) D.R.

Objectif Cinéma : Ce film marque-t-il le passage d’une esthétique maniériste, celle de Body Double par exemple, à une esthétique post-maniériste ? Le considérez-vous comme une sorte d’aboutissement ?

Brian de Palma : Il y a indéniablement des similarités entre ce film et certaines de mes œuvres précédentes, mais à un niveau inconscient. Cela paraît assez évident, dans la mesure où c’est moi qui les ai réalisés et y ait imposé mes choix. De là à dire que ce film est une sorte de sublimation inconsciente de tout ce que j’ai pu faire jusque-là, non. Je me suis simplement efforcé de travailler dans le cadre des règles que je m’étais fixées, c’est-à-dire raconter une histoire " noire " à l’intérieur d’une longue séquence onirique.


Objectif Cinéma : Ce film est-il le rêve final qui couronne votre œuvre ?

Brian de Palma : Non. Que ce soit bien clair : il est très difficile de réaliser un film noir en 2002, car ce genre a été créé dans les années quarante/cinquante et le contexte d’aujourd’hui est très différent. Aujourd’hui si l’on met en scène une pièce de Molière, on peut le faire de façon très classique ou décider d’apporter une touche moderne. Beaucoup de gens vont dire du personnage que j’ai créé que ce n’est pas une femme moderne. Ils auront peut-être raison, mais cela ne m’empêche pas d’avoir le droit de m’amuser avec ce personnage, et de me poser la question de savoir comment le faire fonctionner dans la situation actuelle. J’ai essayé de l’intégrer dans ma conception personnelle du film noir, qui pour moi est une sorte de cauchemar. J’ai donc fait du film noir un cauchemar filmé, ce qui explique le rôle prépondérant du rêve dans le film.