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  Tournage de Femme fatale (c) D.R.
Objectif Cinéma : Dans la scène finale où le personnage tombe à la mer, il devient en quelque sorte une usine à images. Son corps s’ouvre et se mue en une fontaine, une source d’images – on songe aussi à La Nuit du Chasseur. S’agit-il d’une allusion délibérée ?

Brian de Palma : L’analogie est intéressante, mais la réponse est non. Quand vous faites un film, certains problèmes se posent à vous : cette femme était tombée dans l’eau toute habillée et elle devait réapparaître nue dans son bain. Comment faire la transition ? Il fallait faire en sorte que l’image de cette femme extraordinairement belle sous l’eau soit assez irrésistible pour que le public soit totalement pris de cours lorsqu’il la retrouve dans sa baignoire. Il s’agit d’un procédé diabolique qui, s’il ne fonctionne pas, vous place dans une position très délicate. Le moment où un personnage émerge d’un rêve fait l’objet d’un certain nombre de conventions au cinéma, c’est quelque chose que le public a déjà vu des millions de fois. Mais en mettant en scène cet instant tel que je l’ai fait, je pense avoir créé une image assez frappante pour rendre le passage du rêve à la " réalité " presque naturel. C’est de la magie pure, sans grande relation avec la logique ou avec le grand film que vous citiez précédemment. Il fallait juste que je fabrique une image qui monopolise l’attention du public et le distraie momentanément, sans non plus tomber dans le cliché.


Objectif Cinéma : Dans une scène, Nicola et Napoléon se battent, et elle, éberluée, voit leurs ombres sur les murs tout en s’esclaffant. Y aurait-il là une quelconque métaphore de l’enfance du cinéma à travers cette lumière projetée ?

Brian de Palma : Avec ces ombres, je ne fais qu’utiliser les conventions du film noir. Pensez aux interrogatoires policiers, avec les ombres sur les murs, le peu d’angle des prises de vue…Tout cela fait partie de la tradition du film noir.


Objectif Cinéma : Dans cette scène elle n’apparaît pourtant plus véritablement comme une femme fatale…

Brian de Palma : Pour moi c’est avant tout une femme essentiellement mauvaise et diabolique. Deux hommes se tuent presque pour elle.


Brian de Palma (c) David Lombourg

Objectif Cinéma : Femme Fatale est un film très passionnel, aux teintes grises, parfois dépressives. Mission to Mars, au fond, semble plus sombre, mais les personnages y étaient-ils habités par la passion ?

Brian de Palma : Non, je n’irais pas jusque-là. Mission to Mars était un film centré sur la spiritualité : les astronautes vont dans des endroits et voient des choses que nous ne verrons jamais, et ce sont des gens très spirituels. Il faut une bonne dose de courage pour s’envoler vers Mars dans un engin spatial où l’on se sent très à l’étroit, et j’ai essayé de faire un film aussi courageux et idéaliste que le sont ces gens.


Objectif Cinéma : Il semble qu’avec Femme Fatale, à nouveau, plus on pénètre dans l’image, moins on peut en cerner les contours.

Brian de Palma : Je veux que mes films surprennent. Je n’aime pas ennuyer mon public et je m’efforce d’être mystérieux et intéressant de telle façon qu’il ne sache pas très bien où je veux en venir . C’est le genre de film que j’apprécie en tant que spectateur.


Objectif Cinéma : Le photomontage final semble être un recyclage du début du film et exprimer la vision globale qui manquait. Cette image finale est-elle une représentation féminine ?

Brian de Palma : La fin du film est davantage centrée sur Antonio que sur elle, et sur sa quête de cette image qui complétera finalement son montage. Quand cette quête s’achève, c’est un rêve qui se réalise pour lui. Elle n’est qu’un rêve de son point de vue.