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Objectif Cinéma : J’ai l’impression qu’il y a une sorte de discrimination vis-à-vis de vous, en France du moins : on a ainsi pu voir les films de Kyoshi Kurosawa, mais toujours pas les vôtres…

Masato Harada : C’est vrai, et cela a des implications politiques. Kyoshi Kurosawa, Shinji Aoyama ont été les étudiants du professeur Hazumi. Et Hazumi les protège, et les introduit.

Moi, il me considère comme un étranger parce que ma carrière a commencé aux Etats-Unis. C'est pour cela qu'il me déteste et m’ignore : et la situation se répète en France.

Au Japon, Kyoshi Kurosawa a une réputation à peu près équivalente à la mienne. Aux Etats-Unis, je suis sans doute plus connu, mais à New York c’est encore différent, etc… D’autre part, les Français aiment probablement l’aspect tranquille des films de Kyoshi Kurosawa, qui véhiculent du Japon contemporain une image typique, même si elle est différente de l’imagerie traditionnelle qu’ils connaissent. Mais aujourd’hui, le Japon, est beaucoup plus compliqué que ça.  En ce qui concerne la distribution de mes films en France, Kamikaze Taxi avait été acheté par " Metropolitan Filmexport ", mais ils ne l’ont jamais sorti. J’espère que la situation va évoluer, parce qu’il faut que ça change !


Charisma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous êtes considérés comme le " plus américain " des cinéastes japonais.

Masato Harada : Mon approche n’est pas une approche américaine, c’est plutôt une question de personnalité de cinéaste. C’est toute la différence entre Kyoshi Kurosawa et moi : il n’a pas besoin de budget énorme pour réaliser les films qu’il veut faire. Dans mon cas, même si le budget est très limité, je peux cependant faire un film qui semble en avoir coûté plus, comme Inugami. Je peux m’adapter à des sujets et des budgets très divers. Je suis ce genre de cinéaste : " if the budget is big, play it big ". Si le budget est important, j’en donne encore plus. C’est le genre de compétence qui existait autrefois à Hollywood : Sam Fuller était comme ça, Howard Hawks aussi. C’étaient des réalisateurs indépendants et non-conformistes, des " mavericks ", mais aussi des guerriers. Kyoshi Kurosawa n’est pas un guerrier : c’est quelqu’un de très calme, très courtois, quel que soit le film qu’il réalise. J’apprécie ce genre de cinéaste, même si ils sont différents de moi.


Objectif Cinéma : Inugami m’a fait penser à Charisma de Kyoshi Kurosawa, mais en inversé : chez Kurosawa, il y a comme une peur de la nature…

Masato Harada : Je n’ai pas vu Charisma, mais je pense qu’il y a une grande différence de point de vue entre Kyoshi Kurosawa et moi. J’ai la capacité de voir la société japonaise de l’extérieur, tandis que lui est " dedans " de bout en bout. J’ai beaucoup voyagé, travaillé à l’étranger, aux Etats-Unis, et quand je reviens au Japon, je peux voir ce qui changé. J’ai une sorte de point de vue d’étranger ("d’outsider"). En tant que créateur, je me place à l’extérieur des choses, pour ensuite y entrer. Tandis que Kurosawa a vis-à-vis de la nature un point de vue de citadin : il part de l’intérieur pour aller vers l’extérieur. C’est un cheminement différent.

Cependant, Inugami commence quand un étranger, le parfait garçon des villes, retourne à Omine…


  Inugami (c) D.R.

Objectif Cinéma : Oui, mais le cœur du film est Miki, l’artiste…

Masato Harada : Bien sûr, le film s’ouvre sur Miki préparant du papier, mais on a ce point de vue particulier (une plongée, ndlr) car le garçon est sur la route, prêt à arriver. C’est comme une sorte de juxtaposition des deux.

C’est vrai que je suis beaucoup plus fasciné par le personnage de Miki : mon cœur est avec cette maîtrise de l’art du papier, et avec l’environnement qui lui permet de travailler ainsi. Je voulais partir de cette "innocence perdue" du Japon ancien.