Objectif
Cinéma : La fin
de votre film est surprenante…
Masato Harada : La toute
dernière image du film donne un sens beaucoup plus
ambigu à la fin. Ont-ils réussi ou pas ?
C’est ce que je voulais, tout au moins pour l’héroïne :
si Miki survit, elle aura un enfant.
Donc cette fin constitue peut-être de l’imaginaire pur,
ou alors elle signifie qu'ils disparaissent quelque part,
ou deviennent des esprits…Mais je ne voulais pas terminer
sur une fin " mythologique ", cela m’était
impossible.
D’autre part le producteur insistait pour que la fin soit
plus évidente ; mais les scènes que nous
avons tournées étaient tout simplement ridicules,
alors j’ai préféré terminer sur cette
ambiguïté.
Objectif Cinéma :
Pouvez-vous évoquer votre dernier
film, The Choice of Hercules (sortie prévue
au Japon en mai 2002) ?
Masato Harada : C’est
un très gros projet, dont le sujet est acceptable pour
les critiques ! Peut-être que lorsque ce film ira
dans les festivals, l’accueil de mes films changera.
C’est un projet qui m’est très cher. Le film s’inspire
d’un fait divers très célèbre au Japon :
en 1972, pendant dix jours, cinq terroristes tenant une jeune
femme en otage furent assiégés par 600 policiers,
mais ils ne purent pas la sauver car ils n’étaient
pas autorisés à utiliser leurs armes. Et durant
ces 10 jours, l’ennemi changea…
Il y avait en effet une lutte intense au sein des officiers,
ente les différents corps de police, une sorte de comédie
macabre. Cette histoire provient d’un livre écrit par
le n°3 des 600 policiers, vingt ans après les faits.
Quand je l’ai lu, j’ai été fasciné par
la personnalité de certains individus au sein des forces
de la police. Il y a dans ces luttes de pouvoir une telle
absurdité ! Mais même lui n’a pas été
autorisé à écrire sa propre expérience,
il a dû attendre vingt ans. Prenez les attaques au gaz
dans le métro de Tokyo : aux Etats-Unis, cinq
ou six maisons de production commencèrent à
faire des films là-dessus. Au Japon, personne. Ils
essaient de rester à distance.
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Objectif
Cinéma : Quelques
films vus en France évoquent pourtant la question de
la violence sectaire, du traumatisme : Distance, Eureka…
Masato Harada : Oui, vous
pouvez faire ce type de films, mais ils ne sont pas basés
sur des faits réels, c’est de la fiction pure. Mais
moi je vous parle de films basés sur des faits :
vous aurez à utiliser les noms des vrais personnes,
tirés des vrais événements. Ce genre
d’approche réaliste est évité au Japon.
Par exemple, il y a très peu d’avocats du spectacle
spécialisés dans l’obtention des droits d’utilisation
du nom de personnes réels. Donc, les producteurs évitent
tout simplement ce genre de sujet.
Il y a sept ans, j’ai donc essayé d’initier le projet,
mais beaucoup de producteurs m’ont dit : "tu ne
peux pas faire ce film, il implique " l’Armée
Rouge Unifiée " (8), et ces derniers sont
toujours actifs : tu risques des représailles ".
En effet, il y a beaucoup de sympathisants pour " l’Armée
Rouge Unifiée " au Japon, notamment dans
le cinéma.
Mais les choses ont changé depuis 7 ans, il y a eu
d’autres crimes, puis Fusaka Shigenobu, la dirigeante du mouvement
" Armée Rouge " a été
arrêtée l’an dernier : cela semblait
signifier la fin du mouvement. Cette affaire est alors devenu
une sorte de "date", appartenant à l’Histoire, et elle
inspire même une sorte de sentiment de nostalgie. Et
soudain, les gens montrèrent de l’intérêt
pour ce projet, les producteurs aussi : ce n’était
plus un sujet dangereux.
J’ai essayé de recréer les faits aussi "réalistiquement"
qu’il m’était possible de le faire dans les limites
du budget. Nous avons tourné avec la nouvelle caméra
numérique, la 24 HDCam : c’est un peu la rencontre
d’une nouvelle manière de faire des films avec l’un
des événements majeurs du siècle passé.
C’est donc un type de film vraiment nouveau pour le public
japonais. Après le 11 septembre, je pense que le public
le plus large est prêt à accepter ce genre de
film, racontant l'histoire de policiers qui se sacrifièrent
parce qu’ils n’étaient pas autorisés à
utiliser leurs armes.
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