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Thomas Salvador (c) David Lombourg
Objectif Cinéma : Tu as pourtant un charisme évident. Cette expérience ne te tente-t-elle pas ?

Thomas Salvador : Je sais que je suis trop tendu, trop à réfléchir sur tout et en permanence pour jouer simplement. Il se trouve que les personnages que je joue dans mes films sont peu à l’aise, ils cherchent, sont tendus. Ce sont des personnages qui me correspondent en quelque sorte. Je ne me vois pas pour l’instant jouer dans le film d’un autre, à moins que le rôle soit aussi de cette nature.


Objectif Cinéma : Cela devient presque un personnage en soi...

Thomas Salvador : Oui, si on veut. Les deux personnages se ressemblent. Dans le 1er film le jeune homme - je ne dis jamais "moi" ou "je", je dis "le jeune homme" par réflexe - est à la recherche d’une filiation, d’une transmission, tandis que dans le deuxième, il s’agit d’une expérience de la solitude. Et dans le film à venir, bien que cela n’ait pas été pensé pour faire un cycle, le nouveau jeune homme sera cette fois le référent de plus jeunes que lui.

Avec le quatrième film, qui sera toujours un court métrage, ce sera vraiment différent. Il sera plus ancré dans une réalité identifiable.

Je tiens à l’aspect concret de ces films. En aucun cas je ne les veux symbolistes. Il est important pour moi que chaque plan pris à part raconte et propose quelque chose de précis, de palpable. Il n’y a rien qui se voudrait poétique ou délibérément lyrique dans le jeu ou dans la mise en scène. Il y a quelque chose de simple à voir à chaque instant et c’est la somme de ces éléments et leur agencement qui amèneront ou pas le film sur un terrain supérieur. Le prochain film racontera encore moins de choses au premier degré, mais j’espère qu’il y aura toujours une concentration dans les plans, qui fera que l’on ne se dira jamais: "  Ah, ça c’est le symbole de... ou ceci est la métaphore de... ".


Objectif Cinéma : Deux choses frappent d’emblée à la vision de ces deux ovnis cinématographiques, c’est d'une part cette attention particulière portée au corps et à ce qu’il raconte, puis dans un second temps, bien que tes films soient généreux (car provoquant l'imaginaire du spectateur), tu sembles nous dire de ton film " vous pouvez l'aimer ou non, mais c’est comme çà et pas autrement "

Thomas Salvador : C’est une chose à laquelle je suis confronté lors de débats sur mes films. D’un côté il y a les " partisans " - ils sont une poignée - qui aiment cette liberté qui leur permet une relation au film et de l’autre il y a ceux que ces mêmes aspects rebutent et décontenancent. J’espère faire en sorte que le spectateur existe face à ces films, qu’il puisse se questionner, se positionner par rapport à eux. Pour les gens un peu cinéphiles, c’est une démarche compréhensible et moins déroutante que pour les autres qui reprochent aux films de n’aller nulle part. Cela dit, des gens sans culture cinématographique particulière les apprécient : cela me rassure et m’encourage dans ma démarche.

Ces films vont quelque part, mais je n’ai pas trop envie d'expliquer où, ni pourquoi, ni comment, mais de les laisser y aller, simplement.

On est dans l’ère de la sur-signification. On se trouve très souvent en présence de films qui existent beaucoup trop par eux-mêmes, pour être honnêtes et intéressants. Je pense faire des films dont on pourra vous raconter telle scène, vous décrire telle action sans que cela ne vous éclaire sur le sujet réel du film. Quand on me demande de raconter mes films, je réponds que je serai ridicule d’en parler.


  Thomas Salvador (c) David Lombourg

Objectif Cinéma : Comment écris-tu un film qui n’est pas relié un argument ? N’as-tu pas la tentation de séduire un peu plus dans l'écriture du troisième que tu vas faire passer dans différentes commissions ?

Thomas Salvador : Je ne suis absolument pas pour un cinéma de la séduction. Le scénario que j’écris décrit simplement une succession d’actions. L’interprétation, le rapport entre les plans, l’utilisation des décors, le rythme etc. exprimeront le propos du film. Il sera d’ailleurs sans dialogues. Le scénario pour ce type de film n’est pas nécessaire, si ce n’est pour chercher des financements. Je sais ce que je veux tourner. Tout cela est consigné sous forme de notes et n’est pas écrit à l’origine sous forme de scénario.