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Objectif
Cinéma : Tu as pourtant
un charisme évident. Cette expérience ne te
tente-t-elle pas ?
Thomas Salvador : Je sais
que je suis trop tendu, trop à réfléchir
sur tout et en permanence pour jouer simplement. Il se trouve
que les personnages que je joue dans mes films sont peu
à l’aise, ils cherchent, sont tendus. Ce sont des
personnages qui me correspondent en quelque sorte. Je ne
me vois pas pour l’instant jouer dans le film d’un autre,
à moins que le rôle soit aussi de cette nature.
Objectif Cinéma :
Cela devient presque un personnage
en soi...
Thomas Salvador : Oui, si
on veut. Les deux personnages se ressemblent. Dans le 1er
film le jeune homme - je ne dis jamais "moi" ou "je", je
dis "le jeune homme" par réflexe - est à la
recherche d’une filiation, d’une transmission, tandis que
dans le deuxième, il s’agit d’une expérience
de la solitude. Et dans le film à venir, bien que
cela n’ait pas été pensé pour faire
un cycle, le nouveau jeune homme sera cette fois le référent
de plus jeunes que lui.
Avec le quatrième film, qui sera toujours un court
métrage, ce sera vraiment différent. Il sera
plus ancré dans une réalité identifiable.
Je tiens à l’aspect concret de ces films. En aucun
cas je ne les veux symbolistes. Il est important pour moi
que chaque plan pris à part raconte et propose quelque
chose de précis, de palpable. Il n’y a rien qui se
voudrait poétique ou délibérément
lyrique dans le jeu ou dans la mise en scène. Il
y a quelque chose de simple à voir à chaque
instant et c’est la somme de ces éléments
et leur agencement qui amèneront ou pas le film sur
un terrain supérieur. Le prochain film racontera
encore moins de choses au premier degré, mais j’espère
qu’il y aura toujours une concentration dans les plans,
qui fera que l’on ne se dira jamais: " Ah, ça
c’est le symbole de... ou ceci est la métaphore de... ".
Objectif
Cinéma : Deux choses
frappent d’emblée à la vision de ces deux
ovnis cinématographiques, c’est d'une part cette
attention particulière portée au corps et
à ce qu’il raconte, puis dans un second temps, bien
que tes films soient généreux (car provoquant
l'imaginaire du spectateur), tu sembles nous dire de ton
film " vous pouvez l'aimer ou non, mais c’est
comme çà et pas autrement "
Thomas Salvador : C’est une
chose à laquelle je suis confronté lors de
débats sur mes films. D’un côté il y
a les " partisans " - ils sont une poignée
- qui aiment cette liberté qui leur permet une relation
au film et de l’autre il y a ceux que ces mêmes aspects
rebutent et décontenancent. J’espère faire
en sorte que le spectateur existe face à ces films,
qu’il puisse se questionner, se positionner par rapport
à eux. Pour les gens un peu cinéphiles, c’est
une démarche compréhensible et moins déroutante
que pour les autres qui reprochent aux films de n’aller
nulle part. Cela dit, des gens sans culture cinématographique
particulière les apprécient : cela me rassure
et m’encourage dans ma démarche.
Ces films vont quelque part, mais je n’ai pas trop envie
d'expliquer où, ni pourquoi, ni comment, mais de
les laisser y aller, simplement.
On est dans l’ère de la sur-signification. On se
trouve très souvent en présence de films qui
existent beaucoup trop par eux-mêmes, pour être
honnêtes et intéressants. Je pense faire des
films dont on pourra vous raconter telle scène, vous
décrire telle action sans que cela ne vous éclaire
sur le sujet réel du film. Quand on me demande de
raconter mes films, je réponds que je serai
ridicule d’en parler.
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Objectif
Cinéma : Comment écris-tu
un film qui n’est pas relié un argument ? N’as-tu
pas la tentation de séduire un peu plus dans l'écriture
du troisième que tu vas faire passer dans différentes
commissions ?
Thomas Salvador : Je ne suis
absolument pas pour un cinéma de la séduction.
Le scénario que j’écris décrit simplement
une succession d’actions. L’interprétation, le rapport
entre les plans, l’utilisation des décors, le rythme
etc. exprimeront le propos du film. Il sera d’ailleurs sans
dialogues. Le scénario pour ce type de film n’est
pas nécessaire, si ce n’est pour chercher des financements.
Je sais ce que je veux tourner. Tout cela est consigné
sous forme de notes et n’est pas écrit à l’origine
sous forme de scénario.