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  Thomas Salvador (c) David Lombourg
Objectif Cinéma : Tu utilises la parole avec parcimonie et en ce sens, tu rejoins toute une tradition théâtrale qui insiste pour que le comédien prenne un temps pour trouver sa place dans l’espace avant de proférer une parole. Cela perpétue cette notion d’apprentissage qui t’est chère.

Thomas Salvador : J’y pense sans y penser. Dans le prochain film, je vais me mettre à bouger beaucoup. C’est quelque chose qui me pose mille fois moins de problèmes que de parler. J’ai du mal avec ma voix, je n'aime pas m’entendre, je préfère faire parler les autres. Je suis plutôt partisan en ce moment d’un cinéma corporel, voire d’un cinéma " d’action ", surtout si je suis comédien...


Objectif Cinéma : En ce sens, tu utilises une grammaire cinématographique évidente : rapports entre les regards, plan séquence...

Thomas Salvador : Avec Là ce jour, long de 3 minutes 30, il était difficile de développer, de faire s’installer des choses. En règle générale je pense que dans un court métrage, il vaut mieux donner les prémisses de quelque chose, chercher à suggérer plutôt qu’à développer. Je souhaite que mes films durent pour les spectateurs au-delà de leur temps de projection... Le public sort souvent frustré et dit, comme si cela était un reproche, qu’il aimerait en savoir plus. Je trouve que c’est formidable de désirer en savoir plus...


Objectif Cinéma : Cela rejoint ta réflexion selon laquelle le spectateur a besoin de savoir, ils ne peuvent concevoir que le film puisse faire son chemin après la projection.

Thomas Salvador : A présent, il faut que tout rentre dans des cases pré-établies, que l’on puisse coller des étiquettes sitôt le film fini, voire pendant la projection. Beaucoup de gens m’ont reparlé de mes films deux ou trois mois après les avoir vus. Ils repensent à des séquences et trouvent après coup un sens à ce qu’ils ont perçu, ils découvrent sans trop réfléchir des éléments auxquels ils n’avaient pas fais attention lors de la projection. D'autres gens sont immédiatement passionnés et trouvent tout de suite beaucoup à dire. Je n’oublie pas bien sûr tous ceux qui rejettent ces films en bloc, trop nombreux à mon goût...

Je ne fais pas du cinéma cérébral. Des gens disent que c’est de l’impressionnisme, j’y crois assez.


Thomas Salvador (c) David Lombourg

Objectif Cinéma : Dans l’écriture de long métrage se pose le problème de la durée, comment penses-tu pouvoir t'accommoder d'un autre format ?

Thomas Salvador : Dans la mesure où je vais expérimenter avec des films de plus en plus longs, je pense transformer progressivement mon approche de la narration, du rythme et donc mon rapport au temps, si je puis dire.


Objectif Cinéma : Il est vraisemblable que lorsque tu auras d’autres courts métrages à ton actif, le public redécouvrira tes films précédents.

Thomas Salvador : Mes films ne sont pas dans l’ère du temps. Je pense faire des films très discrets, le contraire des films qui vous prennent par la main et vous condamnent à une lecture unique. Aujourd’hui on fait des films où l’idée est littéralement mise en scène, c’est le règne de la mise en scène du sens ou de l’effet. Je préfère que l’idée existe simplement, sans nécessité de l’étaler sur l’écran. Dans mes deux films, il y a des choses de l’ordre du comique voire du burlesque qui ne sont pas mises en scène en tant que telles, mais qui appartiennent à l’action que je filme, comme le plan du brin d’herbe dans Là ce jour. Ces éléments existent dans le plan, il n'est pas besoin de les surligner.


Objectif Cinéma : Honnêtement j’ai raté ce plan du brin d’herbe à la première vision sur petit écran.

Thomas Salvador : C’est normal. En tournant je pense "projection sur grand écran". Je ne vois pas mes films en K7 vidéo. C’est peut-être l’une des raisons qui fait que ce film n’est pas beaucoup sélectionné dans les festivals. Sur un écran de télé, ce film ne raconte rien, on ne voit pas de quoi il parle. Mes films, les films en général, ne sont pas conçus pour être vus dans de pareilles conditions. Il s’agit ni plus ni moins d’une réduction. Ce brin d’herbe est prévu pour faire au moins 1 mètre de haut et pas 3 centimètres !