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Objectif
Cinéma : Tu utilises
la parole avec parcimonie et en ce sens, tu rejoins toute
une tradition théâtrale qui insiste pour que
le comédien prenne un temps pour trouver sa place dans
l’espace avant de proférer une parole. Cela perpétue
cette notion d’apprentissage qui t’est chère.
Thomas Salvador : J’y pense
sans y penser. Dans le prochain film, je vais me mettre à
bouger beaucoup. C’est quelque chose qui me pose mille fois
moins de problèmes que de parler. J’ai du mal avec
ma voix, je n'aime pas m’entendre, je préfère
faire parler les autres. Je suis plutôt partisan en
ce moment d’un cinéma corporel, voire d’un cinéma
" d’action ", surtout si je suis comédien...
Objectif Cinéma : En
ce sens, tu utilises une grammaire cinématographique
évidente : rapports entre les regards, plan séquence...
Thomas Salvador : Avec Là
ce jour, long de 3 minutes 30, il était difficile
de développer, de faire s’installer des choses. En
règle générale je pense que dans un court
métrage, il vaut mieux donner les prémisses
de quelque chose, chercher à suggérer plutôt
qu’à développer. Je souhaite que mes films durent
pour les spectateurs au-delà de leur temps de projection...
Le public sort souvent frustré et dit, comme si cela
était un reproche, qu’il aimerait en savoir plus. Je
trouve que c’est formidable de désirer en savoir plus...
Objectif Cinéma :
Cela rejoint ta réflexion selon laquelle le spectateur
a besoin de savoir, ils ne peuvent concevoir que le film puisse
faire son chemin après la projection.
Thomas Salvador : A présent,
il faut que tout rentre dans des cases pré-établies,
que l’on puisse coller des étiquettes sitôt le
film fini, voire pendant la projection. Beaucoup de gens m’ont
reparlé de mes films deux ou trois mois après
les avoir vus. Ils repensent à des séquences
et trouvent après coup un sens à ce qu’ils ont
perçu, ils découvrent sans trop réfléchir
des éléments auxquels ils n’avaient pas fais
attention lors de la projection. D'autres gens sont immédiatement
passionnés et trouvent tout de suite beaucoup à
dire. Je n’oublie pas bien sûr tous ceux qui rejettent
ces films en bloc, trop nombreux à mon goût...
Je ne fais pas du cinéma cérébral. Des
gens disent que c’est de l’impressionnisme, j’y crois assez.
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Objectif
Cinéma : Dans
l’écriture de long métrage se pose le problème
de la durée, comment penses-tu pouvoir t'accommoder
d'un autre format ?
Thomas Salvador :
Dans la mesure où je vais expérimenter avec
des films de plus en plus longs, je pense transformer progressivement
mon approche de la narration, du rythme et donc mon rapport
au temps, si je puis dire.
Objectif Cinéma :
Il est vraisemblable que lorsque tu auras d’autres courts
métrages à ton actif, le public redécouvrira
tes films précédents.
Thomas Salvador : Mes films
ne sont pas dans l’ère du temps. Je pense faire des
films très discrets, le contraire des films qui vous
prennent par la main et vous condamnent à une lecture
unique. Aujourd’hui on fait des films où l’idée
est littéralement mise en scène, c’est le
règne de la mise en scène du sens ou de l’effet.
Je préfère que l’idée existe simplement,
sans nécessité de l’étaler sur l’écran.
Dans mes deux films, il y a des choses de l’ordre du comique
voire du burlesque qui ne sont pas mises en scène
en tant que telles, mais qui appartiennent à l’action
que je filme, comme le plan du brin d’herbe dans Là
ce jour. Ces éléments existent dans le
plan, il n'est pas besoin de les surligner.
Objectif Cinéma :
Honnêtement j’ai raté ce plan du brin d’herbe
à la première vision sur petit écran.
Thomas Salvador : C’est normal.
En tournant je pense "projection sur grand écran".
Je ne vois pas mes films en K7 vidéo. C’est peut-être
l’une des raisons qui fait que ce film n’est pas beaucoup
sélectionné dans les festivals. Sur un écran
de télé, ce film ne raconte rien, on ne voit
pas de quoi il parle. Mes films, les films en général,
ne sont pas conçus pour être vus dans de pareilles
conditions. Il s’agit ni plus ni moins d’une réduction.
Ce brin d’herbe est prévu pour faire au moins 1 mètre
de haut et pas 3 centimètres !