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(c) D.R.

Objectif Cinéma : Travaillez-vous toujours avec la même équipe ?

Jean-Pierre Lelong
: Je travaille toujours avec le même assistant, mais par contre, je change pratiquement à chaque film d’ingénieur du son. Souvent, les ingénieurs du son sont attachés à des studios, et comme je change souvent d’endroits pour des raisons de production, je me lie à l’ingénieur du son qui est attaché au studio. Il y a aussi beaucoup d’intermittents en la matière, des gens qui sont parachutés sur les films pour enregistrer les post-synchronisations et les bruitages, ou qui vont avoir le volume de travail de finition de son, c’est-à-dire post-synchro, bruitage et mixage. Quelquefois, c’est la même personne qui fait tous les travaux, parce que les réalisateurs préfèrent souvent n’avoir qu’un seul interlocuteur sur leur film. Il y a la personne qui s’occupe du son direct, et celle qui s’occupe de la post-production sonore ; ça se passe comme ça.

Quant à mon assistant, c’est la même personne depuis très longtemps, car il connaît mes habitudes : j’ai 400 kilos de matériel disséminé dans des valises différentes, tout est un peu mélangé, et il connaît tout cela par cœur ; ce qui permet de ne pas me préoccuper de ça, et de me concentrer sur l’image.


Objectif Cinéma : Vous collaborez avec le mixeur ?

Jean-Pierre Lelong : Par courtoisie, je vais aux séances de mixage, mais je n’interviens pas. C’est le mixeur qui fait son travail, en collaboration avec le réalisateur.


Objectif Cinéma : Est-ce un métier qui s’apprend de père en fils ?

Jean-Pierre Lelong
: Oui, de père en fils, de frère à frère, frère à sœur…Il y a deux familles de bruiteurs, les Lévy et les Naudin. Pour les Lévy, le père, Jacques, qui est un personnage très connu dans le cinéma, avait une société de post-synchronisation ; deux de ses fils sont bruiteurs, et le troisième est perchman. Je connais les Naudin, d’abord le père depuis 25 ans, puis j’ai connu les fils ; mais ils ont tous commencé plus tard que moi.

Mais c’est très fermé comme milieu ! C’est un métier qui se transmet, bien sûr, car il ne s’apprend pas, il faut découvrir ça en étant sur le tas. Tout à l’heure (à la rencontre publique, ndlr), une jeune fille me demandait s’il y avait une école, mais il n’y en a pas. Je lui ai proposé de passer au studio, pour lui faire faire quelques essais, et je verrais tout de suite si elle a la fibre ou pas.

Le bruiteur est le travailleur de l’ombre, au vrai sens du mot ; on est dans le noir, et toujours en vase clos. C’est un métier méconnu, surtout la manière dont il se pratique. J’ai fait quelques démonstrations pendant les César, en direct, trois années de suite. Et puis je me suis aperçu que c’était un peu comme déflorer la magie du métier, donc j’ai arrêté, je ne voulais plus en faire. C’est vrai qu’on est très sollicité, pour faire des démonstrations dans les festivals. Mais je n’aime pas trop montrer comment ça marche, parce qu’après les personnes qui voient ça ne voient plus les films de la même façon. Lorsqu’ils voient des gens qui marchent dans la neige, ils se disent " ah oui mais… ". Il n’y a plus de poésie, cela devient technique.


  Un flic (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous prenez donc des apprentis ?

Jean-Pierre Lelong : Non, on ne le fait pas. Tout d’abord parce que cela ne plaît pas au réalisateur que l’on voit leur film avant qu’il ne soit tout à fait terminé. Or, moi je vois le film à l’état brut. Mais je demande quelquefois au réalisateur, par courtoisie - et il ne me le refuse jamais d’ailleurs - d’amener quelqu’un pour une journée ou une demi-journée, pour qu’il regarde comment ça marche. Quelquefois, viennent des étudiants de la Fémis, de Louis Lumière, pour regarder comment ça fonctionne. Mais j’ai en fait un assistant depuis si longtemps, que je ne pourrais pas prendre quelqu’un d’autre.