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Objectif
Cinéma : Cet amour des
objets apparaît nettement dans Le temps retrouvé.
La statue y est un motif décliné sous différentes
formes tout au long du film.
Bruno Beaugé : Effectivement,
on a mis des statues le long des escaliers, des bustes dans
les niches, des statuettes posées sur le mobilier.
Il y aussi ce travelling latéral avec des petites figurines
en silhouette au premier plan, qui illustre la fascination
de Raoul pour les mouvements de caméra. Plus qu'un
cinéaste-photographe, c'est un peintre dans le mouvement.
Objectif Cinéma : Comment
se décide le choix des accessoires, leur emplacement,
leur utilisation par la mise en scène ?
Bruno Beaugé : Tout
au long des films avec Raoul Ruiz, s'est instaurée
entre nous une grande complicité. Il m'explique son
idée, je lui donne de la matière, on essaie
de mettre en place. Après, je m'en vais. C'est lui
qui va unir dans un même mouvement: l'accessoire, le
comédien, la caméra.
C'est donc d'abord un travail à deux, qui se prolonge
ensuite par la gestion de l'accessoire sur le tournage par
un bon accessoiriste de plateau, qui entre également
dans cette complicité. Comme vous l'avez compris, je
travaille sans ensemblier.
Objectif Cinéma : Pour
aborder un film d'époque comme Le temps retrouvé,
travaillez-vous à partir de documentation ?
Bruno Beaugé : Nous
avons essayé d'être le plus proche possible de
l'univers décrit par Proust. L'action du film se situe
autour de la guerre 14-18. C'est une période qui m'est
plutôt familière, il y a des repérages
que j'ai proposé moi-même, et j'ai aussi amené
beaucoup d'accessoires personnels. Je connaissais bien les
stocks des d'antiquaires, ceux des loueurs de cinéma
bien sûr, et puis un décorateur doit aussi compter
sur la chance.
Pour le repas chez Mme Verdurin (jouée par Marie-France
Pisier), il y a une description très précise
d'un service à déjeuner. J'ai cherché
longtemps, et j'ai fini par dire à Raoul : on va devoir
faire une ellipse sur le texte, ce service est impossible
à trouver, c'était peut-être une commande
particulière ou un fantasme de Proust...
Un jour, dans la vitrine d'un antiquaire, je vois un service
correspondant très exactement (s'agissait-il du même
?) à celui du roman, et qui venait d'être vendu
à un japonais. On a appelé en catastrophe au
Japon pour retarder son départ, et par miracle, l'acheteur
nous a laissé l'utiliser. Il connaissait les films
de Raoul Ruiz !
Il faut ajouter que l'Association des Amis de Proust a considéré
notre film comme étant l'adaptation la plus fidèle
de ses romans, y compris sur le plan visuel, avec des descriptions
reproduites au pied de la lettre, ou des ambiances qui trouvent
une dimension onirique proustienne.
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Objectif
Cinéma : Le temps
retrouvé est un
film qui compte un grand nombre de décors, qu'ils soient
naturels ou construits en studio.
Bruno Beaugé : Il doit
y avoir environ 55 décors, et nous avons eu 3 mois
et demi de préparation, comprenant les repérages.
Il y a de nombreux décors naturels, parmi lesquels
des châteaux qui, même meublés d'époque,
nécessitent toujours une intervention.
J'ai proposé le Château de Champlâtreux,
situé au nord de Paris et qui appartient à la
famille des Noailles, près de 90 ans chacun, et guère
favorable aux tournages. Mais Proust avait connu ce château
et son nom magique a suffi à nous en ouvrir les portes.
Je connaissais aussi le château de Voisin où
a été tournée la scène du concert.
Là encore l'autorisation de tournage a été
obtenue grâce au nom de Proust et à la nature
du projet.
Parfois, nous avons tourné dans des lieux complètement
vides, comme la Maison du Vin, rue François 1er
à Paris. Il a fallu aménager le décor
du restaurant en un temps record, et pratiquement tout ce
que l'on voit à l'image a été amené
par nous.
Sur un décor extérieur, on peut aussi intervenir
en grand pour obtenir l'effet visuel cherché. Raoul
Ruiz est un metteur en scène qui compose un cadre où
l'image est théâtralisée. Pour la scène
du bord de mer, on a fait faire des travaux de terrassements
sur la plage, on a construit une terrasse avec sa balustrade
non parallèle à l'horizon. Et on a ainsi ces
plans de sable, avec le ciel et la mer qui viennent entourer
le décor comme un cyclo.
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