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  Requiem pour un vampire (c) D.R.

Objectif Cinéma : La figure de la déambulation est très importante dans ces films. Peut-on la lier avec la déambulation situationniste ?

Jean Rollin : Oui, tout à fait, les dérives situationnistes ressemblaient un peu à ça. Sauf qu’on savait où l’on allait, alors que le principe de la dérive, c’est d’aller au hasard, mais bon… C’était un peu ça.


Objectif Cinéma : Dans La Vampire Nue, vous mettez en place des éléments qui feront écho par la suite dans vos autres films.

Jean Rollin : Ce n’était pas vraiment délibéré, mais j’aimais bien, à ce moment-là, partir d’un élément d'un film précédent, que je n’avais pas pu approfondir pour une raison ou pour une autre. Dans un de mes films (4), il y avait un personnage de clown qui ne demandait qu’à être développé. Je l’ai retravaillé ensuite dans Requiem. Et comme je n’en avais pas fini avec lui, je l'ai replacé dans les Démoniaques.


Objectif Cinéma : Qui est Jacques Robiolles ? Son personnage de Maître voire de gourou dans La Vampire Nue et Le Frisson du Vampire est particulièrement fascinant.

Jean Rollin : Robiolles est un personnage très intéressant. Il est réalisateur de films d’avant-garde extrêmement intéressants (5), il était très lié avec Langlois, Mary Meerson, et la Cinémathèque. Quand il était vraiment fauché, on lui faisait vendre les tickets à la Cinémathèque. Si on voulait le trouver, il fallait venir le soir à Chaillot, rue d’Ulm.


Le Frisson du vampire (c) D.R.

Objectif Cinéma : L'idée de communauté vampirique comme communauté idéale parcourt ces films. Cela provient-il également de ce vivier intellectuel ?

Jean Rollin : Oui, il faut qu’il y ait un personnage autour duquel se manifeste, si l’on peut dire, une sorte de communauté, un " gourou " est nécessaire. Pour nous, c’était Losfeld avant tout, et un petit peu Boullet, car il avait aussi une aura importante ; il était le seul à avoir vu quantité de films mythiques, il avait travaillé avec Kenneth Anger, avec Cocteau…C’était un personnage. Quand il racontait des souvenirs, on se rassemblait près des caisses, autour de lui. Et puis il y avait Langlois, bien entendu, qui était pour nous "le" personnage-cinéma, qu’on écoutait respectueusement aussi. Pour nous qui étions très jeunes, encore étudiants, tous ces gens-là étaient des phares. Et comme en plus, ils étaient tous très conviviaux, affables et disponibles… On faisait notre apprentissage chez eux : j’ai appris la littérature chez Losfeld, et j’ai appris le cinéma chez Langlois.


Objectif Cinéma : Pouvez-vous nous parler des images quasi-surréalistes, des " images-collages " qui parsèment vos films et en particuliers la tétralogie ?

Jean Rollin : J'avais l'idée de faire quelque chose d'équivalent aux serials américains, qu’on allait voir étant gosse dans les " Cinéacs " ; c’étaient des films de 20-25 minutes, et souvent des serials (6). Il y avait trois ou quatre épisodes différents qui passaient au cours d’une même séance. À l'époque, j’étais au lycée Buffon, pas très loin de la gare Montparnasse, et toutes les semaines, nous allions en voir.

  Une semaine de bonté (c) D.R.

Plus tard, j’ai retrouvé l’esprit des serials dans les collages, particulièrement ceux de Max Ernst, La Femme 100 Têtes, Une Semaine de Bonté, etc., et plus tard aussi ceux de Prévert.

Le collage était un moyen d’arriver à l’esprit très particulier des films à épisodes, sans que cela coûte une fortune. Cela me permettait de fabriquer des images comme des collages : c’est-à-dire des images qui pouvaient être intéressantes en elles-mêmes, sorties du contexte du film. Plusieurs séquences de films sont donc faites pour introduire une image. Par exemple, dans Requiem Pour un Vampire, j’avais l’idée d’une femme qui jouait du piano à queue dans un cimetière. J’ai écrit une partie du scénario pour arriver à placer cette image… Et je l’ai placé (rires). Il y a quantité de choses de cet ordre-là. On travaillait certains plans particuliers du film, qui devaient constituer l’apogée, le point culminant, et tout devait y conduire ; parce qu’il fallait quand même justifier un petit peu la présence de ces images.