Objectif Cinéma :
Qui est Jean-Louis Philippe ?
Jean Rollin :
C’est un acteur de théâtre et de cinéma,
qui avait créé au théâtre Thé
et Sympathie avec Ingrid Bergman. Je l’avais employé
dans un premier film, et j’ai fait appel à lui car
je trouvais qu’il avait ce côté un peu précieux
que devait avoir le personnage. Ce n’est pas facile de trouver
quelqu’un qui soit capable d’interpréter ça,
quelqu’un qui se sente à ce point concerné par
les souvenirs d’enfance oubliés. Pour avoir ce travail
mental, intellectuel chez le personnage, ce personnage ne
devait pas être monsieur-tout-le monde. Jean-Louis Philippe
m’a même aidé à faire l’adaptation et
les dialogues.
Objectif Cinéma :
Et Annie Briand ? Vous
lui avez demandé de se raser les cheveux ? Elle
a un côté Jean Seberg…
Jean Rollin :
Non, c’était elle qui s’est coupé les cheveux.
C’était une jeune comédienne débutante
qu’on avait trouvée intéressante, et qui ensuite
a fait une petite carrière en Italie.
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Objectif Cinéma :
L’un de vos films X, Fantasmes (1975) recrée
une communauté initiatique autour du plaisir et de
la souffrance. Avez-vous pu exploiter cette idée dans
d’autres films X ?
Jean Rollin :
Non, je voulais faire un vrai film, en intégrant du
X dedans pour prouver que c’était possible. Le film
n’a pas eu un succès particulier, et j’ai arrêté
cette voie-là. Mais l’idée était
de traiter un film X comme un vrai film.
Objectif Cinéma :
Les Raisins de la Mort,
réalisé en 1978, est un peu à part
dans votre filmographie ; c’est un film très sec,
au scénario très construit.
Jean Rollin :
Les Raisins de la Mort était une commande. Les
producteurs voulaient faire le premier film-catastrophe français.
C'était l'époque, on a choisi le dernier sorti :
L’Aventure du Poséidon. On a utilisé
le même graphique, avec la même progression dramatique :
le personnage se déplace d’un point à un autre,
on voit tout ce qui arrive entre les deux. C’est la seule
fois où j’ai mis un film en graphique pour m’en inspirer,
mais c’était assez stimulant à faire. Dans le
Poséidon, ils partent d’un point du bateau,
pour aller vers un point de sortie. Dans Les raisins de
la mort, ce sont des gens qui traversent une région
ravagée par le pesticide : ils partent d’un point
donné, jusqu’à l’exploitation où la fiancée
les attend, et la traversée de la région se
met alors en place, comme les autres ont fait la traversée
du bateau. Et pratiquement au même moment, arrive un
certain nombre d’événements.
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Objectif Cinéma :
Vous imposez-vous souvent de telles contraintes de conception ?
Jean Rollin :
Non, c'était la seule fois. Et il s’agissait aussi
de faire l’anti-Nuit des Morts-Vivants, puisque le
film de référence était alors celui-là.
Il ne fallait pas qu’on puisse nous accuser de l’avoir copié,
de s’en être inspiré.
Pourtant, quand je fais des débats publics, il y a
toujours un imbécile dans la salle pour dire :
" Mais vous avez refait La Nuit des Mort-Vivants !
". Alors à chaque fois, je suis obligé
de ré-expliquer que c’est exactement le contraire,
puisque La Nuit des Mort-Vivants est basée sur
la claustrophobie, sur l’enfermement du personnage, et que
dans Les Raisins de la Mort, ce sont au contraire les
personnages qui se déplacent. Et ça, les gens
ne le comprennent pas. Du moment qu’il y a un mort-vivant
dans le film, ça y est, on a fait un remake ! (rires).
Objectif Cinéma :
Vous laissez aussi aux mort-vivants
de votre film le temps de mourir…
Jean Rollin :
Oui. Ils ont une conscience. Dans le film de Romero, qui par
ailleurs est un film exceptionnel, ce sont des zombis, de
véritables mort-vivants, qui n’ont pas conscience de
ce qu’ils font.
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